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Le Blog de JM 33500 - LiBoUrNe, HisToiRe d'En ParLeR
17 janvier 2006

DeuX TéMoins De La BaTaiLLe De CaStiLLoN

Le prieuré Saint-Florent

et son annexe Notre-Dame de Colles,

paroisse de Castillon, juridiction de Montravel

Il ne fait aucun doute que ces deux établissements des religieux de l'Ordre de Saint-Benoît furent témoins des actions principales de la bataille de Castillon.

Le premier, connu sous le nom de prieuré ou d'abbaye de Saint-Florent avait reçu une garnison qui formait l'avant-garde de l'armée française. Là 800 francs archers avaient été cantonnés (Jean Chartier, Histoire de Charles VII. p. 643).

N.-D. de Colles (Au cours des siècles, cette chapelle a toujours été connue sous le nom de N. D. de Colles, nous ne voyons aucune raison pour lui donner aujourd'hui celui de « Colly »), annexe du prieuré, était une chapelle située dans la plaine de Colles, d'où son nom. Cette Chapelle se trouvait aux abords immédiats du camp établi par les Français, et près de la rivière.

On connaît les détails de cette journée. Le combat commença par l'attaque du prieuré par l'armée anglaise et la retraite de la garnison. Les assaillants s'emparèrent d'un important butin et, disent les Chroniques, de 5 à 6 cuves de vin que les Anglais défoncèrent par un bout et qu'ils burent. On s'en doute bien, ces cuves n'étaient autres que des barriques. Le plus fort de la bataille se déroula à l'entrée et dans le camp même des Français et le corps du général Talbot tué au cours de l'action fut déposé dans la Chapelle N.-D. de Col1es. On pense qu'une inhumation provisoire eut lieu dans cet édifice, avant le transfert du corps à Falaise, puis à Withe-Church en Sussex. Les soldats de l'armée en déroute s'enfuirent de tous côtés. Certains se noyèrent en voulant traverser la Dordogne. C'est précisément à quelques pas et à l'est de la chapelle N.-D. de Colles qu'existait un gué pour traverser la rivière « le pas de Rauzan ». On s'était donc battu jusqu'aux abords de la chapelle. Ces deux édifices, s'ils existaient encore, seraient vraiment historiques au sens propre du mot. Nous devons nous contenter de les situer et de dire ce qu'ils étaient réellement.

En 1060, Olivier vicomte de Castillon fit venir des bénédictins de l'abbaye de Saint-Forent de Saumur. Il leur concéda un terrain hors les murs de l'enceinte fortifiée où ils édifièrent un couvent, une chapelle et quelques bâtiments d'exploitation. Tout cela existait encore au moment de la bataille de 1453, mais la ruine fut totale en 1588 (Guinodie, Hist. de Libourne, tome III, p.103). Le couvent ne fut jamais reconstruit et le prieur, tout en continuant à remplir ses fonctions administratives jusqu'à la révolution, n'habita plus les lieux. Les bâtiments d'exploitation semblent avoir été reconstruits les premiers et si la chapelle fut sans doute provisoirement aménagée, elle ne fut reconstruite que vers 1687. Le fait nous est rapporté par le procès-verbal de la cérémonie par laquelle elle fut ouverte au culte le 12 avril 1689. La lecture de l'Inventaire Sommaire des Archives Départementales laisse supposer qu'une nouvelle chapelle fut érigée à côté des ruines de l'ancienne. Il n'en est rien. Il suffit de lire le procès-verbal dressé par « maître Pierre Grossac, curé de Gardegan (On lit Gardigan) et vicaire forain de l'archiprêtre d'Entre-Dordogne et Isle » chargé de la cérémonie « nous aurions trouvé la dite église prieurale démolie... et que sur ses ruines d'icelle (a) ledit sieur Cribler y aurait fait bastir et construire une chapelle de pierre de taille couverte de tuiles creuses puis (depuis) deux ans ou environ... et estant ensuite entré dans la dite chapelle nouvellement bastie sur les susdites ruines avec le sieur Cribier nous l'avons trouvée entièrement bastie, couverte, carrelée et fermée d'une grande porte de bois de noyer avec son entrée nouvellement dressée sur les fondements de l'autre (b) de lad. ancienne esglise priorale, en quelque sorte qu'il ne reste plus qu'à mettre la pierre sacrée sur l'autel et bénir lad. chapelle dans laquelle ledit sieur Cribier nous dit vouloir être enterré en ladite en qualité de prieur... » (a, b. C’est nous qui soulignons)

Donc la chapelle des XVIIème et XVIIIème siècle s'élevait sur les fondations de celle qui avait vu l'assaut des troupes de Talbot. Sur un plan du XVIIIème siècle donnant l'ensemble de l'enclos du prieuré on voit 1e dessin de la chapelle simple nef rectangulaire avec porte d'entrée surmontée d'un pignon dans lequel était sans doute logée une cloche. Sur le profil de la nef on voit deux fenêtres, on sait par une note de 1756 qu'il y en avait quatre « pour griller les quatre vitraux de la chapelle du prieuré » (Arch. Dép., H 1133, liasse.). Où se trouvaient les chais et cuvier dans lesquels les soldats anglais avaient bu force rasades? Sur le même plan le cuvier, chai et maison du jardinier ferment, au sud, la cour dans laquelle s'élève la chapelle, nui doute qu'ils furent toujours à cet emplacement. Un passage dans le centre de ces constructions fait communiquer la cour de la chapelle avec un jardin limité par de belles allées en forme d'écusson, divisé en quatre parties par d'autres allées en forme de croix. Tout au tour du jardin s'étale un verger. Cet ensemble est limité au midi par « le grand chemin de Castillon à Villefranche » ; à l'ouest par un chemin de service puis par un chemin qui va au village de Lucas; au nord par un « chemin qui va du prieuré au grand chemin qui conduit de Castillon à Villefranche »: à l'est à des propriétés privées. (Arch. Dép. H 1145. plan).

En 1746 on rectifia et reconstruisit une portion de la route de Cas­tillon à Bergerac et pour cela on prit une bande de terrain dans l'enclos du prieuré « hors et près des murs de la ville » et plus à l'est une autre portion de terrain dans un domaine appelé le bois du prieuré complanté en vignes et arbres fruitiers. Le prieur dom Antoine Raynaud demande à l’Intendant de pouvoir récupérer au lieu et place, l'emplacement de l'ancien chemin. Le domaine dit « du bois du prieur » s'étendait jusqu'à la Lidoire. Les prieurs louaient le droit de pêche « depuis la porte de la Vergne jusqu'aux terres et bois du prieuré »

Ces précisions concordent pour placer l'ancien prieuré de Saint-Florent à l’emplacement occupé actuellement par la gare.

Il reste peu de vestiges de la chapelle de Notre-Dame de Colles, annexe du prieuré de Saint-Florent. Du moins quatre bornes en délimitent l'emplacement, une croix marque le lieu où aurait été inhumé Talbot. Sur une colonne on voit une statue moderne de la Vierge avec une inscription qui, à notre avis, perpétue deux erreurs : « En souvenir de l'antique sanctuaire de N.-D. de Coly qui, au lendemain de la bataille de Castillon prit le nom de N.-D. de la Victoire ». D'abord cette chapelle ne s'est jamais appelée Coly, mais bien Colles; ensuite aucun document ne nous a rapporté le nouveau nom de N.-D. de la Victoire. S'il y eut, chez les habitants de la région, un autre nom appliqué à la chapelle N.-D. de Colles c'est tout simplement celui de Talbot. La carte d'Etat-major s'est fait l'écho de cette tradition en s'inscrivant « chapelle du Talbot ». On y allait processionnellement le Jour de l'Assomption sous la direction du clergé de Castillon; les maires et jurats de cette ville y assistaient en grande cérémonie. Guinodie (Histoire de Libourne) dit, sans indiquer sa source, que cette procession avait été instituée par Charles VII en commémoration de la victoire remportée sur les Anglais.

N.-D. de Colles était déjà en ruines au XVIIIème siècle, ce qui n'empêchait pas du reste la procession traditionnelle d'avoir lieu. Dans un état des fiefs du prieur de Saint-Florent et parmi ceux de la plaine de Colles, on trouve « par exporte du ler Xbre l744 retenue par Verneuil Longa, notaire; M. Me Jean Roy, receveur au bureau de Castillon; sieur Jean Fougnet de Laussac comme mary de Mlle Jeanne Trapaud, et Anne Chaput, veuve de Pierre Dousset, chapelier, reconnaissent du Sieur prieur de Castillon de tout y celuy ténement appelé à la chapelle de Colles consistant en terres labourables où sont les masures de ladite chapelle située dans le territoire de la chapelle de N.-D. de Colles, paroisse de Castillon, juridiction de Montravel en Périgord, contenant 5 jx, 8 lattes, 2 carreaux, y compris le sol de ladite chapelle qui est de 6 carreaux, mesure de Castillon... (suivent les confrontations), au devoir de 2 deniers bourdelois d'exporle et de 12 deniers aussy bordelois de cens et rente à Noël et en outre le quint des fruits porté dans ledit prieuré... » (Arch. Dép. il 422.2. pièce n° 8).

Signalons que, pour la deuxième fois, nous trouvons dans les archives du prieuré de Saint-Florent, et à un siècle d'intervalle, un texte identique « N.-D. de Colles, paroisse de Castillon, juridiction de Montravel en Périgord. Cet état de chose dura jusqu'à la Révolution, ainsi que veut bien nous l'apprendra le registre baptistaire de la paroisse Saint-Symphorien de Castillon où nous trouvons à la date du 1er juin 1791. « La partie de Colles dépendante de tems immémorial de cette paroisse pour le spirituel, cesse d'en dépendre puisqu'elle se trouve au-delà de la Lidoire, ruisseau qui sépare le département de la Gironde de celui de la Dordogne. De là résulte que la procession qui se fait chaque année le jour de l'Ascension à la chapelle de Colles, pour remplir un ancien vœu de la ville, ne peut se faire sans passer dans un diocèse étranger et sans s'arrêter sur un champ devenu national et rentré dans la commune (de Lamothe-Montravel). La procession sortant de l'église passera désormais par le sol d'Aiguile, la Thuilière, le quai, entrera dans la ville par la porte du château et sortira par celle de la maison commune, d'où elle rentrera dans l'église » (inv. sommaire des Arch. Gde. E. supp. 4820 - G. - G. 7 reg.).

Il n'y a donc plus aucun doute que l'ancienne paroisse de Castillon ait englobé toute la plaine de Colles, s'étendant au delà de la Lidoire, dans la juridiction de Montravel. La bataille de juillet 1453 qui s'est déroulée entièrement sur le territoire de l'ancienne paroisse de Castillon, méritait bien son nom de bataille de Castillon.

J.A. GARDE

Extrait de la Revue S.H.A. du Libournais 1953 à 54 p. 45 à 48 

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