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Le Blog de JM 33500 - LiBoUrNe, HisToiRe d'En ParLeR
27 janvier 2006

L'éGLisE SaiNt JeAn-BaPtisTe

Clochet de l'Eglise St-Jean Clochet de l'Eglise St-Jean
Eglise inscrite aux monuments historiques le 09 mai 1997

Rappel historique

L'église Saint-Jean Baptiste telle qu’elle apparaît dans son architecture actuelle n’est pas une église très ancienne. Les nombreuses transformations et aménagements successifs au cours des âges en ont fait cependant le bel édifice actuel.

Au XIème siècle, existait déjà un village du nom de Fozera situé entre la Dordogne, l’Isle et la Magna Careyra (ancienne voie romaine qui emprunte la rue Thiers actuelle). L’église de ce village, sanctuaire d'origine était connu sous le nom de Saint Jean de Fozera (saint jehan). Cette église fut donnée au monastère de Saint-Emilion en 1110.

Jusqu'au XIIIème siècle, la paroisse conserve le nom de Fozera. Elle devient Libourne en 1270, sous la domination anglaise après le remariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt. Sur son ordre il est construit une ville au tracé régulier une bastide entourée de solides remparts dont le centre est une place entourée de passages couverts. L’église Saint Jehan existant antérieurement, elle n’occupe pas comme dans les autres bastides un angle de la place principale. Mais lorsque Libourne se sera développée, une église gothique Saint Thomas sera élevée (et détruite au XVIIIème siècle) et qui occupait la place du marché couvert actuel (plan ci-dessous).

LiBoUrNe - Église Saint-Thomas

Les modifications au cours des siècles

A l'origine, elle n'avait qu'une nef d'environ 20 mètres de long sur 7 mètres de large. Ce sont les dimensions conservées pour les plus anciennes églises de l'arrondissement. L'église fut agrandie au début du XIIIème dans le style gothique en ajoutant 2 doubles bas cotés et en portant le chevet à 23 m plus à l'est. Les petites nefs furent divisées en 7 travées par des murailles devant correspondre aux piliers projetés et destinées à servir d'appui aux arcades des voûtes des nefs moyennes. Cet édifice fait désormais environ 60 mètres sur 20, terminé par une abside, couvert d’un toit en bâtière surmonté d’un clocher carré. Ces travaux s’échelonnent sur une vingtaine d’année et à leur terme, l'église fut alors dédiée à St Jean-Baptiste.

En 1427, un tremblement de terre secoue fortement l’église et son clocher, qui nécessitent d’importantes réparations. Le cimetière, quand à lui, est signalé en confront de plusieurs lots en 1459. On peut penser qu’il occupait un espace identique à celui représenté sur un plan du XVIIIème siècle, soit environ 0,7 ha sur les 32 que comptait la bastide.

En 1793, l’église Saint Jean devient le temple de la raison.

LiBoUrNe - Église Saint-Jean XVIIIème siècle

Les modifications au cours des siècles

En 1836, l’église est restauré mais le résultat devait faire disparaître tout ce qui datait du XIIème siècle et contrastait horriblement avec le style de l’intérieur de l’église. Devant l’émotion de la population, de nouveaux travaux sont donc entrepris. Les murs qui séparaient les chapelles ont été percés de portes en ogive afin de faire des galeries. Ces galeries furent achevées au commencement de 1838. Les murs du sanctuaire furent ornés de boiserie en chêne, parties à jour et chargées d'arabesques en reliefs. Le chœur fermé des 2 cotés par des boiseries du même style avec stalles dont une maîtresse de chaque côté ayant dais et pinacle.  Les fenêtres du chœur, jusqu'alors murées, ont été rouvertes  pour placer des vitraux : ils rappellent  les principaux épisodes de la vie de St Jean-Baptiste : leur auteur est De Nozan, qui a peint ceux de St Germain l'Auxerrois. Ces vitraux ont été repeints par Villiart en 1876. L'ancienne sacristie nord a été transformée en une chapelle du Sacré Cœur éclairée par 5 fenêtres à un meneau et fleurons. Ces ouvertures ont été ornées en 1853 de vitraux peints Villien de bordeaux. L'autel fut remplacé par celui que nous voyons aujourd'hui et béni le 18 mars 1845.

LiBoUrNe - Église Saint-jean au XIXème siècle

Vitraux et tableaux

Les vitraux de la fenêtre du milieu du chevet représentent le Bon Pasteur et la Vierge Marie portant l'enfant Jésus au-dessus dans le fleuron, le Père Éternel, dans celle de droite Saint Jean l'évangéliste et Sainte Madeleine, et dans celle de gauche Saint Pierre et Saint Augustin.

Au-dessus de la porte de l'une sacristie, "le retour de l’enfant prodigue" a été figuré. Dans une chapelle du bas-côté Ouest, les vitraux permettent de reconnaître Saint Just et Saint Roch. Cet ensemble date de 1859. Il offre un bel exemple de l'art du vitrail.

Quelques tableaux ornent l'église : "Madeleine au pied du Christ" par Prud'homme (XVIIIème) conservé dans la sacristie et "Saint François et Mme de Chantal" par Sovée (1807). Un autre tableau "le Christ chassant les vendeurs du temple" a été transféré et restauré au musée des Beaux-arts de Libourne.

Intèrieur de l'Église Saint-Jean

Les orgues

En 1852 fut décidée l'acquisition d'un premier jeu d'orgue, qui fut remplacée en 1854 par un instrument plus important œuvre du facteur bordelais Wienner. Certaines imperfections furent remarquées, que l'on essaya d'améliorer mais l'instrument se dégrada .En 1951, la maison Beuchet-Debierre fut chargé d'une restauration très importante qui aboutirent au très bel instrument actuel.

Le clocher

Le clocher actuel a été construit de 1855 à 1859. Les nouvelles cloches pèsent respectivement 3500, 2000, 1050, 420 et 250 kilogrammes. Elles donnent un accord de La mineur. Elles ont été bénites le 18 mars 1872 par le Cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux.

Extèrieur de l'Église Saint-Jean Sommet de l'Eglise Saint-Jean

La lanterne des morts

La Lanterne des morts se situe contre le mur du chevet de l'église Saint-Jean-Baptiste. C'est la petit tour qui se trouve derrière et contre l'église dans lequel au crépuscule, on hissait, souvent avec un système de poulies, une lampe allumée, supposée servir de guide aux défunts.
"Fanal" du XIVe siècle reconstruit entre 1835 et 1855, comme l'ensemble de l'église à l'exception du coeur.

Lanterne des morts de l'ancien cimetière

Lanterne des morts de l'ancien cimetière

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21 janvier 2006

LeS FoRTiFicAtiOnS De LiBoUrNe

La majorité des vingt-deux témoins qui, entre le 16 décembre 1486 et le 03 janvier 1487, comparurent devant Bernard Tustal, conseiller du roi chargé de l'enquête sur les privilèges de Libourne, convint que celle-ci était "une belle ville", "de grande étendue", "fermée de murailles", lesquelles se trouvaient être "de grand circuit, de demi lieue française ou environ", et "de grand édifice". De la part d'habitants de Libourne comme de personnes originaires de villes et de régions voisines (Bordeaux, Sainte-Foy-la-Grande, Bergerac, La Réole, Limoges, Angoumois et Périgord) l'unanimité ainsi affichée devant l'officier royal n'était pas une attitude de façade, feinte pour la circonstance mais parait plutôt relever d'un sentiment largement partagé, attendu qu'il s'agissait pour eux "d'une chose vue et notoire".

Abritée derrière quelque 2200 mètres de murs, la bastide offrait l'aspect d'un polygone irrégulier de 800 mètres de long du nord au sud, depuis la tour de Grenouiller jusqu'à la porte Saint-Emilion, et de 600 mètres de large d'est en ouest, entre les portes de Périgueux et de Bédignon.

LiBoUrNe - Plan des fortifications 1459-1486

L'espace ainsi enclos couvrait environ 32 hectares. Considérée du point de vue du périmètre des murailles et de la surface intra muros, Libourne se situait loin derrière Bordeaux, dont l'enceinte du début du XIVe siècle, longue de plus de 5 500 mètres, entourait 170 hectares. Elle se plaçait en revanche nettement devant Bourg (17 ha), Bazas (15 ha), Sauveterre-de-Guyenne (13 ha) et Saint-Emilion (10 ha). Parmi les villes des diocèses de Bordeaux et de Bazas, seule La Réole la dépassait avec une troisième enceinte, construite au Xème siècle, longue de plus de 2 400 mètres et enserrant une superficie de l'ordre de 40 hectares.

 

I. UNE CLÔTURE TARDIVE ET INACHEVÉE À LA VEILLE DE LA GUERRE DE CENT ANS.


Jean-Paul Trabut-Cussac
a démontré, dans un article consacré à la construction des remparts de Libourne, que la bastide avait été fortifiée de façon tardive ("La construction des remparts de Libourne", dans Revue historique de Bordeaux, tome III, 1954, p.179-199). La charte de franchises octroyée en 1270 par le prince Édouard, lors de la fondation de la bastide, précisait les privilèges politiques et économiques accordés aux "bourgeois présents et à venir". Elle ne contenait en revanche aucune allusion relative à l'édification et à l'entretien des défenses. Au début des années 1280, alors que la ville neuve amorçait son essor, le maire et les jurats se préoccupèrent de la faire enclore. Ils s'adressèrent au roi-duc, mais n'obtinrent des subsides que le 04 juin 1289, date à laquelle Édouard 1er leur abandonna pour sept ans tous les revenus de la couronne ordinairement perçus dans la ville par le connétable de Bordeaux. Il s'agissait du produit des droits de douane, également appelés coutumes, prélevés par l'administration anglo-gasconne sur les marchandises qui, par l'Isle et la Dordogne, entraient dans le port de Libourne et en sortaient, ainsi que des cens acquittés chaque année par les détenteurs de parcelles bâties et non-bâties mouvant du roi-duc dans Libourne. Cet argent fut employé par la municipalité au pavage des rues et non à l'édification des défenses, de telle sorte qu'en 1292 le maire et les jurats sollicitèrent l'autorisation d'établir un octroi à l'entrée de la ville. Édouard 1er la leur accorda, le 15 juillet 1292, pour une durée de six ans.

 

A la fin du XIIIe siècle, Libourne restait une ville ouverte, ou du moins ses défenses n'étaient pas assez avancées pour lui éviter d'être prise et mise à mal par un parti français. Les faits nous sont connus de façon indirecte. Vers 1303-1305, les Libournais adressèrent une pétition à Édouard 1er, dans laquelle ils lui exposaient que la ville avait été détruite par les "ennemis, en temps de la guerre". Ces destructions furent le fait des Français, qui occupèrent le duché d'Aquitaine de 1294 à 1303. Jean Paul Trabut-Cussac les a situées au début de cette occupation. Il paraît plus vraisemblable de les placer après janvier 1303, date à laquelle les Bordelais donnèrent le signal d'une révolte qui contraignit les troupes du roi de France à évacuer précipitamment la plus grande partie du duché. La requête du maire et des jurats de Libourne priait Édouard 1er d'agir afin que ses "gents puissent plus sûrement... demeurer en la dite ville". Pour permettre le relèvement de la bastide, ils sollicitaient l'octroi de trois foires annuelles et l'exemption de tous péages dans l'Entre-Dordogne. Le roi-duc ordonna au sénéchal de Gascogne de faire droit à ces requêtes.

Édouard II succéda à son père en 1307. En 1311, le maire et les jurats, qui travaillaient toujours à l'édification des fortifications, profitèrent de la venue en Gascogne des deux enquêteurs royaux, le comte de Richmond et l'évêque de Norwich, pour rappeler les destructions commises par les Français. Ils sollicitèrent, en vain, une nouvelle aide financière. Les requêtes adressées en 1314 et en 1320 au roi-duc ou à ses représentants pour obtenir des subsides n'eurent aucune suite. Lorsqu'en 1324, le différend franco­-anglais à propos de Saint-Sardos fit peser sur le duché d'Aquitaine la menace d'une nouvelle attaque française, les Libournais s'alarmèrent. Les travaux de défense de la ville devaient cependant être suffisamment avancés pour que, comme l'a fait remarquer Jean-Paul Trabut-Cussac, Edmond de Kent, demi-frère d'Édouard II, que celui-ci avait dépêché en Aquitaine, approvisionne Libourne en hommes et en matériels, lui reconnaissant ainsi une valeur stratégique. Avec Blaye, Bourg, Fronsac, Saint-Emilion et Castillon, Libourne formait l'un des maillons d'une ligne de défense qui, étirée du nord-ouest vers le sud-est, le long de la Gironde et de la Dordogne, couvrait les abords septentrionaux de Bordeaux.

 L'alerte passée, les magistrats municipaux se préoccupèrent dès lors de disposer de ressources financières régulières leur permettant d'entretenir les fortifications déjà édifiées et d'achever l'ouvrage. Le 7 septembre 1330, le sénéchal de Gascogne, Jean de Haustede, qui avait été capitaine de la ville de 1324 à 1325, les autorisa à lever une taxe sur les marchandises vendues dans la ville. Comme le prévôt de Libourne leur contestait le droit d'utiliser les galets et le sable provenant du lest abandonné par les navires, ils en appelèrent à son supérieur hiérarchique, le sénéchal de Gascogne. Le 20 janvier 1331, Jean de Haustede confirma le maire et les jurats dans le droit d'employer les matériaux de délestage et interdit au prévôt de les en empêcher. Il dut renouveler cet ordre et menacer le prévôt de la suspension de son office, le 03 février 1331. Aux empêchements suscités par le prévôt royal s'ajoutèrent les embarras financiers inérants à des travaux coûteux, d'autant que les Libournais furent contraints de les activer suite au déclenchement de la guerre de Cent Ans. Le 16 mai 1340, le maire et les jurats ajournèrent le remboursement des dettes contractées par la ville "pour raison de la fortification de celle-ci". Directement menacée par l'offensive menée en 1338-1340 par le comte de l'Isle, lieutenant de Philippe VI en Guyenne,

Libourne, comme les autres villes du Bordelais, dut faire face à la situation par ses seuls moyens. Les troupes françaises échouèrent devant ses murs ainsi que devant ceux de Saint-Emilion. Édouard III, qui concentrait alors ses efforts militaires contre Philippe VI dans le nord du royaume de France, se décida à faire un geste. Le 22 juin 1341, il reconnut officiellement aux Libournais la libre disposition du lest pour la réparation des remparts et leur concéda la propriété des fossés et des arrière-fossés en dédommagement des sommes qu'ils avaient investies.

 Au milieu du XIVe siècle, les Libournais s'employaient encore édifier les défenses de la ville. Le 14 août 1346, ils obtinrent d'Henri de Lancastre, lieutenant d'Édouard III en Aquitaine, la confirmation du droit de lever des taxes sur les marchandises pénétrant dans la ville aussi longtemps que les fossés ne seraient pas remplis d'eau et les murs garnis de tours, de mâchicoulis et de barbacanes. Cette concession leur fut renouvelée le 10 décembre 1350, puis le 25 mai 1355. En dépit des efforts financiers consentis par la municipalité et de l'aide apportée par le roi-duc, certains secteurs restaient encore sommairement protégés au début du XVe siècle. L'un des témoins cités à comparaître en 1487, lors de l'enquête sur les privilèges de Libourne, déclara avoir "vu refaire plusieurs fois les dits fossés et réparer les murailles... (et) dans un quartier qui était de pieux les (avoir vu) refaire toutes neuves, et maintenant (il) y a une belle tour (et une) épaisse muraille". Il est vrai qu'il s'agissait de la partie de la ville adossée à la Dordogne et donc naturellement défendue par la rivière. Alors même que les fortifications n'étaient pas achevées, la municipalité dut entreprendre des réparations pour consolider ou relever les parties anciennes. Le 23 juillet 1389, Richard II fit don à la ville de 100 livres sterlings pour réparer 250 brasses de murs (environ 400 mètres) renversées en janvier par une"grande tempête et fortune de temps".

 Regardée, en raison de sa situation au nord-est du diocèse de Bordeaux, au confluent de l'Isle et de la Dordogne, comme "la clef et boulevard des pays de Périgord, Quercy, Limousin, Angoumois et autres pays circumvoisins", Libourne vit à plusieurs reprises paraître des troupes françaises sous ses murs au cours de la guerre de Cent Ans. La ville resta aux mains des gens du roi-duc lors de la première offensive, en 1337-1340. Le parti anglo-gascon fut moins heureux quarante ans plus tard. En 1377, le duc d'Anjou et Du Guesclin parvinrent à s'emparer de la bastide, après avoir ravagé les campagnes environnantes et détruit le château de Condat. En 1451 et en 1453, les capitaines de Charles VII s'empressèrent d'obtenir la reddition de Libourne avant de marcher sur Bordeaux. Ayant perdu tout espoir d'être secourus depuis l'Angleterre par Henri VI, les Libournais préférèrent les deux fois capituler devant un adversaire supérieur en nombre et en matériel, plutôt que de soutenir un siège dont l'issue ne pouvait que leur être défavorable.

 

II. LES FORTIFICATIONS DE LIBOURNE AU LENDEMAIN DE LA GUERRE DE CENT ANS.

 

L'enquête sur les privilèges de Libourne, en 1486-1487, donna lieu à un examen attentif de l'état des fortifications, motivé par le fait que la municipalité alléguait un coût d'entretien élevé. L'enquêteur royal, Bernard Tustat, vint lui-même à Libourne, le 02 janvier 1487, pour interroger des témoins et profita de l'occasion pour inspecter les murs. Il consigna ses observations par écrit dans le rapport de l'enquête. Toutefois, reconnaissant qu'il ne pouvait "bonnement extimer les fraiz et mises qu'il convient à la réparacion desdites murailles", il chargea Héliot Odin, maître maçon à Bordeaux, assisté par deux confrères de Saint-Junien en Limousin, d'une part d'évaluer le coût des réparations et des améliorations à apporter, et d'autre part d'estimer le montant des dépenses annuelles pour l'entretien courant des fortifications. Les trois hommes s'acquittèrent rapidement de leur tâche. Ils lui présentèrent leur rapport dès le lendemain. Leur déposition fut enregistrée au même titre que celle des autres témoins et versée au dossier de l'enquête. Le recoupement des données contenues dans ces deux procès-verbaux permet de restituer dans leurs grandes lignes les défenses de Libourne telles qu'elles se présentaient au lendemain de la guerre de Cent Ans. Une reconstitution plus précise doit cependant faire appel aux sources figurées modernes et contemporaines, ainsi qu'aux quelques vestiges des anciennes fortifications ayant échappé aux destructions.

 

1. Les portes

Concernant les portes de Libourne, le rapport de Bernard Tustal est de loin le plus détaillé. Il indique neuf entrées. Six d'entre elles, jugées plus importantes que les autres, sont qualifiées de "portails", alors que les trois autres sont simplement désignées comme des "portes". Sur ce total, trois des six portails et les trois portes donnaient accès à l'Isle et à la Dordogne, attestant la vocation portuaire de la bastide. Du côté de la "terre", Libourne communiquait avec la campagne seulement par trois portails (voir carte des fortifications vers 1459-1486 ci-dessus).

L'identification et la localisation des six portails ne posent aucun problème. Cinq d'entre eux se situaient au débouché des principales artères de la ville. Le grand portail de la mer, plus communément appelé par les Libournais porte du Grand Port, s'ouvrait face à la place formée par la rencontre de la rue des Chais avec la Grande Rue ou rue Saint-Emilion (En Bordelais on appelait "mer" la partie du cours de la Garonne et de la Dordogne où se faisait sentir l'effet de la marée montante, d'où le nom d'Entre-deux-Mers donné à la région occupant leur confluent.). Le portail Saint-Emilion marquaient l'extrémité opposée de cette même Grande Rue, au point de raccordement avec la rue Saint-Thomas. Les rues de Périgueux et de Guîtres aboutissaient du côté de la "terre" aux portails du même nom, tandis que la rue de la Font Neuve conduisait à la berge de la Dordogne par le portail Bédignon. Seul le portail Coffer était desservi par un axe secondaire, la modeste ruette des Chais. Sans doute percé tardivement, il devait son nom à Jean Coffer, maire de Libourne en 1343, et prit de l'importance du fait de sa situation au confluent de l'Isle et de la Dordogne (L'actuelle rue du Port-Coiffé correspond à l'ancienne rue des Chais et conserve sous une graphie totalement déformé le souvenir de l’ancienne porte Coffer).

Seul le portail du Grand Port, abandonné au XVIIe siècle au profit d'une nouvelle porte percée dans l'axe de la rue Saint-Emilion et longtemps englobé dans des maisons, a échappé à une destruction totale. L'accès à la ville se faisait par un passage voûté en arc brisé aménagé entre deux tours circulaires, la tour Édouard ou du Grand Port et la tour Richard ou tour Barrée.

LiBoUrNe - Dessin de la Tour du Grand Port

L'aspect architectural des autres portails est connu grâce à des textes, des plans et des gravures. Les trois qui s'ouvraient du côté de la "terre" étaient les plus solidement défendus: passage voûté aménagé au pied d'une tour et fermé par une porte à deux battants, accès extérieur protégé par un boulevard. Celui de Guîtres présentait une puissante base quadrangulaire surmontée d'une tour carrée coiffée d'un toit en pavillon. Un escalier latéral permettait d'accéder à la tour et, de celle-ci, au chemin de ronde des murs (voir dessins ci-dessous).

LiBoUrNe - Dessin de la Porte de Guîtres

Le portail de Périgueux devait présenter un système défensif analogue (voir dessin ci-dessous).

LiBoUrNe - Plan de la Porte de Périgueux

Le portail Saint-Emilion s'ouvrait à la base d'une imposante tour rectangulaire formant saillie en avant des murs. Celle-ci comportait deux étages et une plateforme sommitale avec créneaux et mâchicoulis, couverte par une toiture à quatre pans (voir dessin ci-dessous).

LiBoUrNe - Dessin de la Porte de Saint-Émilion

 

Nous sommes moins bien renseignés sur les défenses extérieures des trois portes ouvrant sur la campagne. L'existence d'ouvrages avancés est attestée dans l'enquête de 1486-1487 avec la mention de "boulevards" (Boulevard: ouvrage extérieur défendant l'accès d'une porte, appelé demi-lune au XVIe siècle). Un des dessins de J. de Weert représente les barbacanes commandant l'accès des portes de Guîtres et de Périgueux telles quelles se présentaient au début du XVIIe siècle.

LiBoUrNe - Dessins des fortifications 1612

Celle de la porte de Guîtres est visible sur le dessin de H. van der Herm (ci-dessous).

LiBoUrNe - Dessin au XVIIème siècle

En revanche, le plan dressé vers 1740 ne mentionne plus qu'un bastion triangulaire à l'entrée de la porte Saint-Emilion et une chicane en avant de celle de Périgueux (plan ci-dessous).

Plan de LiBoUrNe au XVIIIème siècle

(A.C. Libourne. BB 14, 5 avril 1729. Mention de la chute dune "petite voûte avec un mur qui était bâti au-dessus, à l'avant-porte ou demi-lune". Ibid., BB 16, 6 janvier 1732. Avis favorable de la municipalité aux propositions de l'architecte Alexis Tisseau relatives à "la démolition de vieux murs ruinés qui sont à la sortie de la porte de Périgueux, qui formait un ancien ravelin (demi-lune) ou boulevard". Ibid., BB 28, 14 mars 1758. Adjudication "à la moins dite... pour la démolition ou écrêtement des courtines des murs de la ville et des fortifications anciennes qui sont au-dehors de la porte Saint-Emilion"). L'Isle et la Dordogne protégeaient naturellement le flanc nord­-ouest de la ville.

Le portail Bédignon avait été percé à la base d'une tour ronde, défendue dans sa partie haute par des créneaux et des mâchicoulis (dessin ci-dessous).

LiBoUrNe - Dessin de la Porte Bédignon

Un escalier "situé dans la rue des Murs de la présente ville, joignant la tour de la porte Bédignon... (Servait) à monter dans la dite tour" (A.C. Libourne, BB 20, 16 juillet 1739. Délibération de la jurade relative au mauvais état de l'escalier de la tour de Bédignon). Le portail Coffert consistait, d'après les plans du XVIIIe siècle, en un simple passage aménagé dans l'épaisseur du mur de ville.

Parmi les trois portes permettant d'accéder au bord de l'Isle, seule la porte Salinière (ou des Salinières) est expressément nommée par Bernard Tustal et Héliot Odin. Libourne tenait des rois d'Angleterre le privilège de posséder un grenier à sel et le monopole du commerce de cette denrée depuis le Bec d'Ambés jusqu'à Bergerac. Les navires qui remontaient la Dordogne avec un chargement de sel avaient l'obligation de débarquer celui-ci à Libourne. Regroupé à un endroit précis du port afin d'en assurer une meilleure surveillance, ce trafic laissa son nom à la porte par laquelle le sel entrait dans la ville (Il existait éga1ement une porte et un quai des Salinières à Bordeaux qui, de la même manière que Libourne, détenait le monopole du trafic du sel sur la basse Garonne). Cette porte était située au bout de la rue Sainte-Catherine (A.C. Libourne, BB 18, 14 janvier 1737. Décision du maire et des jurats de proclamer les réparations à faire à la porte des Salinières "située au bout de la rue Sainte-Catherine, sur le bord de l'Isle"). La présence de deux autres portes nous est révélée par le seul rapport de Bernard Tustal. L'enquêteur royal situe l'une d'elles entre le grand portail de la mer et la porte Salinière. On peut donc penser qu'elle se trouvait au débouché de la rue Saint-Thomas. Les documents de la fin de l'époque moderne font état à cet endroit d'une porte dénommée Cavernière (La Cavernière était un coche d'eau qui, s'aidant du courant de flot et de jusant, effectuait la liaison entre Libourne et le port de Cavernes (paroisse de Saint-Loubès), à partir duquel les voyageurs gagnaient Bordeaux par voie de terre). L'autre porte, située entre la porte Salinière et la tour de Grenouiller, arborait lors du passage de Bernard Tustal une "image de Saint Jacques". Ce pourrait être la "porte Sainte-Cécile", au bout de la rue du même nom, dont il est fait mention dans un bail à loyer du 16 février 1522. Si l'on se réfère aux plans du XVIIIe siècle, la porte Cavemière s'ouvrait à la base d'une tour carrée formant saillie par rapport à la muraille, tandis que les portes situées à l'extrémité des rues Sainte-Catherine et Sainte-Cécile avaient, comme le portail du Grand Port, été simplement aménagées dans l'épaisseur du mur d'enceinte.

2. Les murs, les tours et les fossés

Les murs de Libourne ne nous sont pas à proprement parler décrits par Bernard Tustal ni par Héliot Odin. Il est seulement fait mention de leur état, plus ou moins bon selon les endroits. Du circuit des murs intégralement figuré sur le plan cadastral de 1818 il ne subsiste plus aujourd'hui que quelques pans de courtine. Les rares secteurs épargnés d'une destruction totale montrent, inégalement conservés, deux parements faits de pierres de taille soigneusement appareillées, liés par un blocage fait de matériaux hétérogènes (pierres, galets de lest) noyés dans un mortier grossier.

L'épaisseur des murs au niveau du sol actuel est de l'ordre de l mètre 50. La municipalité avait obtenu au XVIIIe siècle l'autorisation de l'intendant d'abattre le couronnement des murs, de sorte que les portions de remparts les mieux conservées n'atteignent plus que 12 mètres environ et s'arrêtent au niveau des mâchicoulis (A.C. Libourne, BB 30, 28 octobre 1757. Ordonnance du maréchal de Thomond autorisant les jurats à faire "abattre leurs murailles au-dessus du premier cordon, en leur laissant toujours du côté du fossé au moins 25 pieds d'élévation"). Les créneaux et le chemin de ronde ont disparu. Au moins pour ce qui est de la partie de la courtine située A l'est du portail Saint-Emilion, des archères avaient été percées à la base du mur. Des loges de guetteur pratiquées dans l'épaisseur du mur, à 2 mètres environ au-dessus du sol actuel, voûtées d'un arc en plein centre, permettaient de battre le pied des murs et les fossés.

Quelques tours renforçaient les murailles et assuraient de loin en loin leur flanquement. Héliot Odin ne fait allusion qu'à la tour de Grenouiller. Cette "tour carrée", précise Bernard Tustal, occupait l'angle nord du circuit de l'enceinte, en bordure de l'Isle. Sans doute contemporaine des tours surmontant les portails de Guîtres et de Périgueux son sommet avec créneaux et mâchicoulis était couvert d'un toit en pavillon (A.C. Libourne, DD 4, 16 février 1522. Bail à loyer par la municipalité d'une place vide "tirant de la porte qui regarde vers la tour de Grenouiller... qui à présent est carré, faite en forme de pavillon, couverte d'ardoise". Ibid., BB 19. 19 janvier 1740. Mention du mauvais état de la tour de Grenouiller "qui est sans charpente depuis plus d'un siècle, ce qui a causé que le mur d'icelle a péri et se gâte journellement, la pierre qui formait les créneaux étant en partie tomée et l'autre menaçant ruine"). Bernard Tustal mentionne également "la tour Neuve qui fait le coing d'entre les rivières de Dordogne et de l'Isle". Dans le registre d'arpentage de 1459 elle est dénommée "tour Dapcher", du nom du capitaine qui commandait alors la garnison de la ville (A.C. Libourne, CC l, fol. 6. Cette tour prit le nom de tour Gringalette à l'époque moderne - A.C. Libourne, BB 3, 27 mai 1669. Réparations à effectuer à la tour Neuve "autrement appelée Gringalette"). Les sources figurées la représentent comme une tour ronde, d'un modèle comparable à celui de la tour du portail Bédignon ou de la tour du Grand Port. Du portail Saint-Emilion à celui de Bédignon il n'existait aucune tour comme l'a noté Héliot Odin. En revanche, l'omission des quatre tours comprises entre le portail de Périgueux et celui de Saint-Emilion, tant par ce dernier que par Bernard Tustal, est surprenante. Une tour carrée, l'une des deux tours rondes et une tour semi-hexagonale ont disparu (A.C. Libourne, BB 22, 26 juin 1742. Mise en adjudication par le maire et les jurats d'un emplacement "pour y faire des jardins... situés dans les fossés et douves de la ville, à prendre depuis la porte Saint-Emilion jusqu'à la tour appelée de la Tarreyre, qui est entre la dite porte Saint-Emilion et celle de Périgueux". Cette tour de la Tarreyre est sans doute la tour semi-hexagonale proche de la porte de Périgueux, également appelée porte de la "Tarreyre"). Seule subsiste de nos jours une tour ronde, sans nom.

LiBoUrNe - Dessin de la Porte de Périgueux

LiBoUrNe - Identification des Tours

L'Isle et la Dordogne au nord et à l'ouest, ainsi que des fossés enveloppant les abords de la ville du côté de la "terre" complétaient les défenses de Libourne. Le préambule de l'enquête de 1493-1494, à la suite des exactions commises par la garnison de Fronsac, fait mention de "grandes fortifications de muraille et grans foussés". Deux ruisseaux, le Riouver au nord-est et le Lour au sud, s'écoulaient au pied des murs, le premier vers l'Isle et le second jusqu'à la Dordogne. Héliot Odin, constatant que la portion de muraille, de la porte Saint-Emilion à la porte Bédignon, n'était défendue par aucune tour, préconisa la construction de "deux moineaux de pierre" bâtis sur des piliers compte tenu du terrain marécageux. Il est possible de reconstituer approximativement l'emprise des fossés à l'aide des plans du XVIIIe siècle. Bien que comblés et lotis à partir des années 1790, leur tracé apparaît encore nettement sur le plan cadastral de 1818 entre les murs et les allées ceinturant la ville. Des arrière-fossés formaient une première ligne de défense en avant des fossés. Ils furent comblés les premiers, aux XVIIe et XVIIIe siècles, lors de l'aménagement des allées autour de Libourne. Aucun plan n'en n'a conservé le souvenir, si bien qu'il est impossible de les restituer avec certitude, sauf peut-être au sud-ouest de la ville où les allées Flamandes figurant sur le cadastre de 1818 pourraient être assez proches du développement initial des arrière-fossés. De même, sur le plan dressé vers 1740, les allées plantées d'arbres, qui bordent les fossés de la tour de Grenouiller à la porte de Périgueux, occupent en partie leur emplacement.

Enfin, à l'intérieur de Libourne, l'efficacité de la défense se trouvait renforcée par l'existence d'un chemin qui permettait de faire le tour du périmètre interne des murs. Plusieurs témoins interrogés sur ce point, en 1486-1487, firent une déclaration comparable à celle de Bertrand Lepiochel, lequel affirma que "au dedans de ladicte ville, le long des murailles, sans aucun destour, hier ou enpachement, un chescun peut aller à pied et à cheval et à charrettes". Appelé chemin ou rue des Murs, sauf de la tour de Grenouiller à la porte du Grand Port, où le nom de rue des Chais lui venait de la présence de nombreux entrepôts, il permettait aux défenseurs de se porter rapidement en tous points de la muraille en cas d'attaque. Le 22 juin 1341, Édouard III avait formellement interdit de construire près des murs et des tours pour des impératifs de défense. L'enquête de 1459 montre qu'un siècle plus tard cette interdiction était encore respectée.

3. L'entretien des fortifications

Au dire de Raymond Guinodie, les deux courts sièges que soutint Libourne en 1451 et en 1453 éprouvèrent durement ses fortifications (Histoire de Libourne tome1. p.74-80). Il s'est plu à relater les préparatifs des capitaines de Charles VII pour investir la ville. L'emplacement des pièces à feu de Jean Bureau et les dégâts qu'elles causèrent sont décrits avec un luxe de détails. De telles affirmations sont toutefois invérifiables et tout porte à croire que Raymond Guinodie a quelque peu embelli les faits. Non seulement il ne précise pas ses sources, contrairement aux autres faits d'armes qu'il rapporte, mais il convient lui­-même que les chroniqueurs français ne se sont nullement fait l'écho de ces sièges. Si l'on en croit Jean Chartier, Libourne se serait inclinée en 1451 devant la puissance de l'armée française, évitant ainsi un investissement par la force qui n'aurait pu que lui être préjudiciable: "Mondit seigneur le conte de Dunois, lieutenant, envoya mectre le siège par mer et par terre devant une place nommée Fronsac; ce qui arriva le second jour de juing... Et ce faict, vint en personne audit siège de Fronsac, et envoya en mesme temps ung hérault du roy pour sommer ceux de la ville de Libourne de eulx rendre. Après lesquelles sommacions ainsi faites, ceulx de la ville de Libourne ordonnèrent des principaux d'entre-eulx une quantité, lesquels ils envoyèrent avecques ledit hérault devers Monseigneur de Dunois afin de faire tractié et appointement pour tous les habitans d'icelle ville".

En 1453, les Libournais firent valoir leur bonne foi: "Depuis la réduction dudit lieu de Castillon, lesdits seigneurs conducteurs de l'ost du roy et commissaires en icelle partie en deslogèrent et partirent avec leur puissance, canons et aultre artillerie, et vindrent devant la ville de Sainct-Milion, laquelle aussitôt se mist en l'obéisssance du roy... D'iceluy lieu de Sainct-Milyon toute l'armée tira devant la ville de Libourne, laquelle n'avoit pas esté du gré des habitans d'icelle mise en l'obéissance et subjection des Anglois dessus dits; car, lorsque le sire Talbot arriva devant Bourdeaulx, on leur avoit baillé des François pour les garder, lesquels, quand ils sceurent la venue dudit Talbot, ces François qui estoient dedens en garnison désemparèrent de ladite ville, et fut de nécessité aux habitans d'icelle ville de se rendre ausdits Anglois, et obéir au susdit Talbot. Pour laquelle considération, en icelle dernière réduction ils ne furent en rien molestez, mais, au contraire, le roy les receut tout d'abord en sa bonne grâce".

Plutôt que les canons français en 1451 et 1453, les contemporains rendent, de façon plus prosaïque, la nature responsable de la dégradation des défenses. L'état des murs bordant l’Isle et la Dordogne fut jugé préoccupant en 1486-1487, au moment de l'enquête sur les privilèges de Libourne, "pour ce que ladjcte ville est posée bas et contre la mer, laquelle deschausse lesdictes murailles etfaict grands dommages". L'enquêteur français, Bernard Tustal, qui ne peut passer pour suspect d'exagération, a pu lui-même constater qu'en plusieurs endroits l'Isle et la Dordogne ont "démyné le pié desdites murailles". Le notaire libournais, Jehan Boinille, cité comme témoin le 1 er janvier 1487, est formel: "du costé de la mer, ladicte mer gaste lesdictes murailles". Plusieurs autres témoins incriminent eux aussi '1'impétuosité de la mer", laquelle "frappe contre les murs", et ainsi "mine et cave" la base des murailles. Du côté de la terre, le mauvais état des fossés et des boulevards est quant à lui attribué à la nature du sol. Pierre Gueyrard, marchand, originaire de Bergerac, expose, le 29 décembre 1486, que Libourne "est scittuée sur sable, lequel coule et ne peut bonnement tenir", nécessitant des réparations fréquentes apportées aux fossés. Ses dires sont corroborés par ceux d'un Bordelais, Bertrand Lepiochel, qui déclare pareillement que les fossés sont ensablés et "ne peuvent être entretenus sans grandes et continuelles réparations". De surcroît, il affirme avoir vu refaire les fossés à plusieurs reprises.

Les témoins interrogés en 1486-1487 évaluaient l'entretien des fortifications à environ 1000 livres tournois par an, estimation confirmée par le rapport des trois maçons désignés comme experts. Ces derniers proposèrent plusieurs améliorations: l'édification de murs de soutènement pour empêcher que l'Isle ne sape la base des murailles, le renforcement des boulevards destinés à protéger les portes, la construction de moineaux afin de couvrir les portions de courtine démunies de tour. Le montant de ces travaux s'élevait à plus de 44 000 livres tournois. Même si le roi de France avait consenti, le 27 janvier 1478, à abandonner à la municipalité le tiers des revenus du grenier à sel pour l'entretien des fortifications et les gages des officiers de la ville, celle-ci n'avait pas les moyens d'engager de telles dépenses. Ayant déjà du mal à faire face aux frais entraînés par les réparations courantes, on peut douter que le maire et les jurats aient disposé des fonds nécessaires pour entreprendre les travaux d'amélioration préconisés par Héliot Odin et ses deux confrères. Ainsi, en 1493-1494, les murailles et les fossés étaient-ils toujours considérés "de grans entretenement pour les sumptueuses (coûteuses) reparacions qui sont necessaires".

Retranchée à l'abri de ses 2200 mètres de murailles, Libourne prenait rang, tant par la valeur stratégique de son site et son étendue (32 hectares), que par son poids démographique et économique, parmi les villes closes les plus importantes du diocèse de Bordeaux. Par rapport aux autres centres urbains du Bordelais, développés à partir d'un noyau d'habitat antique (Bordeaux, Blaye) ou médiéval (Bourg, Saint-Emilion, Castillon, Saint-Macaire), Libourne portait inscrit dans sa topographie les signes distinctifs qui marquaient son appartenance à la grande famille des bastides: aménagement volontariste de l'espace urbain, plan orthogonal quadrillé structuré autour d'une place centrale, lotissement des îlots en parcelles régulières.

 

17 janvier 2006

ReConsTiTuTioN dE La BaTaiLLe - 2005 -

ReConsTiTuTioN dE La BaTaiLLe - 2005 -

ReConsTiTuTioN dE La BaTaiLLe - Plaquette 2005

ReConsTiTuTioN dE La BaTaiLLe - Plaquette 2005

17 janvier 2006

DeuX TéMoins De La BaTaiLLe De CaStiLLoN

Le prieuré Saint-Florent

et son annexe Notre-Dame de Colles,

paroisse de Castillon, juridiction de Montravel

Il ne fait aucun doute que ces deux établissements des religieux de l'Ordre de Saint-Benoît furent témoins des actions principales de la bataille de Castillon.

Le premier, connu sous le nom de prieuré ou d'abbaye de Saint-Florent avait reçu une garnison qui formait l'avant-garde de l'armée française. Là 800 francs archers avaient été cantonnés (Jean Chartier, Histoire de Charles VII. p. 643).

N.-D. de Colles (Au cours des siècles, cette chapelle a toujours été connue sous le nom de N. D. de Colles, nous ne voyons aucune raison pour lui donner aujourd'hui celui de « Colly »), annexe du prieuré, était une chapelle située dans la plaine de Colles, d'où son nom. Cette Chapelle se trouvait aux abords immédiats du camp établi par les Français, et près de la rivière.

On connaît les détails de cette journée. Le combat commença par l'attaque du prieuré par l'armée anglaise et la retraite de la garnison. Les assaillants s'emparèrent d'un important butin et, disent les Chroniques, de 5 à 6 cuves de vin que les Anglais défoncèrent par un bout et qu'ils burent. On s'en doute bien, ces cuves n'étaient autres que des barriques. Le plus fort de la bataille se déroula à l'entrée et dans le camp même des Français et le corps du général Talbot tué au cours de l'action fut déposé dans la Chapelle N.-D. de Col1es. On pense qu'une inhumation provisoire eut lieu dans cet édifice, avant le transfert du corps à Falaise, puis à Withe-Church en Sussex. Les soldats de l'armée en déroute s'enfuirent de tous côtés. Certains se noyèrent en voulant traverser la Dordogne. C'est précisément à quelques pas et à l'est de la chapelle N.-D. de Colles qu'existait un gué pour traverser la rivière « le pas de Rauzan ». On s'était donc battu jusqu'aux abords de la chapelle. Ces deux édifices, s'ils existaient encore, seraient vraiment historiques au sens propre du mot. Nous devons nous contenter de les situer et de dire ce qu'ils étaient réellement.

En 1060, Olivier vicomte de Castillon fit venir des bénédictins de l'abbaye de Saint-Forent de Saumur. Il leur concéda un terrain hors les murs de l'enceinte fortifiée où ils édifièrent un couvent, une chapelle et quelques bâtiments d'exploitation. Tout cela existait encore au moment de la bataille de 1453, mais la ruine fut totale en 1588 (Guinodie, Hist. de Libourne, tome III, p.103). Le couvent ne fut jamais reconstruit et le prieur, tout en continuant à remplir ses fonctions administratives jusqu'à la révolution, n'habita plus les lieux. Les bâtiments d'exploitation semblent avoir été reconstruits les premiers et si la chapelle fut sans doute provisoirement aménagée, elle ne fut reconstruite que vers 1687. Le fait nous est rapporté par le procès-verbal de la cérémonie par laquelle elle fut ouverte au culte le 12 avril 1689. La lecture de l'Inventaire Sommaire des Archives Départementales laisse supposer qu'une nouvelle chapelle fut érigée à côté des ruines de l'ancienne. Il n'en est rien. Il suffit de lire le procès-verbal dressé par « maître Pierre Grossac, curé de Gardegan (On lit Gardigan) et vicaire forain de l'archiprêtre d'Entre-Dordogne et Isle » chargé de la cérémonie « nous aurions trouvé la dite église prieurale démolie... et que sur ses ruines d'icelle (a) ledit sieur Cribler y aurait fait bastir et construire une chapelle de pierre de taille couverte de tuiles creuses puis (depuis) deux ans ou environ... et estant ensuite entré dans la dite chapelle nouvellement bastie sur les susdites ruines avec le sieur Cribier nous l'avons trouvée entièrement bastie, couverte, carrelée et fermée d'une grande porte de bois de noyer avec son entrée nouvellement dressée sur les fondements de l'autre (b) de lad. ancienne esglise priorale, en quelque sorte qu'il ne reste plus qu'à mettre la pierre sacrée sur l'autel et bénir lad. chapelle dans laquelle ledit sieur Cribier nous dit vouloir être enterré en ladite en qualité de prieur... » (a, b. C’est nous qui soulignons)

Donc la chapelle des XVIIème et XVIIIème siècle s'élevait sur les fondations de celle qui avait vu l'assaut des troupes de Talbot. Sur un plan du XVIIIème siècle donnant l'ensemble de l'enclos du prieuré on voit 1e dessin de la chapelle simple nef rectangulaire avec porte d'entrée surmontée d'un pignon dans lequel était sans doute logée une cloche. Sur le profil de la nef on voit deux fenêtres, on sait par une note de 1756 qu'il y en avait quatre « pour griller les quatre vitraux de la chapelle du prieuré » (Arch. Dép., H 1133, liasse.). Où se trouvaient les chais et cuvier dans lesquels les soldats anglais avaient bu force rasades? Sur le même plan le cuvier, chai et maison du jardinier ferment, au sud, la cour dans laquelle s'élève la chapelle, nui doute qu'ils furent toujours à cet emplacement. Un passage dans le centre de ces constructions fait communiquer la cour de la chapelle avec un jardin limité par de belles allées en forme d'écusson, divisé en quatre parties par d'autres allées en forme de croix. Tout au tour du jardin s'étale un verger. Cet ensemble est limité au midi par « le grand chemin de Castillon à Villefranche » ; à l'ouest par un chemin de service puis par un chemin qui va au village de Lucas; au nord par un « chemin qui va du prieuré au grand chemin qui conduit de Castillon à Villefranche »: à l'est à des propriétés privées. (Arch. Dép. H 1145. plan).

En 1746 on rectifia et reconstruisit une portion de la route de Cas­tillon à Bergerac et pour cela on prit une bande de terrain dans l'enclos du prieuré « hors et près des murs de la ville » et plus à l'est une autre portion de terrain dans un domaine appelé le bois du prieuré complanté en vignes et arbres fruitiers. Le prieur dom Antoine Raynaud demande à l’Intendant de pouvoir récupérer au lieu et place, l'emplacement de l'ancien chemin. Le domaine dit « du bois du prieur » s'étendait jusqu'à la Lidoire. Les prieurs louaient le droit de pêche « depuis la porte de la Vergne jusqu'aux terres et bois du prieuré »

Ces précisions concordent pour placer l'ancien prieuré de Saint-Florent à l’emplacement occupé actuellement par la gare.

Il reste peu de vestiges de la chapelle de Notre-Dame de Colles, annexe du prieuré de Saint-Florent. Du moins quatre bornes en délimitent l'emplacement, une croix marque le lieu où aurait été inhumé Talbot. Sur une colonne on voit une statue moderne de la Vierge avec une inscription qui, à notre avis, perpétue deux erreurs : « En souvenir de l'antique sanctuaire de N.-D. de Coly qui, au lendemain de la bataille de Castillon prit le nom de N.-D. de la Victoire ». D'abord cette chapelle ne s'est jamais appelée Coly, mais bien Colles; ensuite aucun document ne nous a rapporté le nouveau nom de N.-D. de la Victoire. S'il y eut, chez les habitants de la région, un autre nom appliqué à la chapelle N.-D. de Colles c'est tout simplement celui de Talbot. La carte d'Etat-major s'est fait l'écho de cette tradition en s'inscrivant « chapelle du Talbot ». On y allait processionnellement le Jour de l'Assomption sous la direction du clergé de Castillon; les maires et jurats de cette ville y assistaient en grande cérémonie. Guinodie (Histoire de Libourne) dit, sans indiquer sa source, que cette procession avait été instituée par Charles VII en commémoration de la victoire remportée sur les Anglais.

N.-D. de Colles était déjà en ruines au XVIIIème siècle, ce qui n'empêchait pas du reste la procession traditionnelle d'avoir lieu. Dans un état des fiefs du prieur de Saint-Florent et parmi ceux de la plaine de Colles, on trouve « par exporte du ler Xbre l744 retenue par Verneuil Longa, notaire; M. Me Jean Roy, receveur au bureau de Castillon; sieur Jean Fougnet de Laussac comme mary de Mlle Jeanne Trapaud, et Anne Chaput, veuve de Pierre Dousset, chapelier, reconnaissent du Sieur prieur de Castillon de tout y celuy ténement appelé à la chapelle de Colles consistant en terres labourables où sont les masures de ladite chapelle située dans le territoire de la chapelle de N.-D. de Colles, paroisse de Castillon, juridiction de Montravel en Périgord, contenant 5 jx, 8 lattes, 2 carreaux, y compris le sol de ladite chapelle qui est de 6 carreaux, mesure de Castillon... (suivent les confrontations), au devoir de 2 deniers bourdelois d'exporle et de 12 deniers aussy bordelois de cens et rente à Noël et en outre le quint des fruits porté dans ledit prieuré... » (Arch. Dép. il 422.2. pièce n° 8).

Signalons que, pour la deuxième fois, nous trouvons dans les archives du prieuré de Saint-Florent, et à un siècle d'intervalle, un texte identique « N.-D. de Colles, paroisse de Castillon, juridiction de Montravel en Périgord. Cet état de chose dura jusqu'à la Révolution, ainsi que veut bien nous l'apprendra le registre baptistaire de la paroisse Saint-Symphorien de Castillon où nous trouvons à la date du 1er juin 1791. « La partie de Colles dépendante de tems immémorial de cette paroisse pour le spirituel, cesse d'en dépendre puisqu'elle se trouve au-delà de la Lidoire, ruisseau qui sépare le département de la Gironde de celui de la Dordogne. De là résulte que la procession qui se fait chaque année le jour de l'Ascension à la chapelle de Colles, pour remplir un ancien vœu de la ville, ne peut se faire sans passer dans un diocèse étranger et sans s'arrêter sur un champ devenu national et rentré dans la commune (de Lamothe-Montravel). La procession sortant de l'église passera désormais par le sol d'Aiguile, la Thuilière, le quai, entrera dans la ville par la porte du château et sortira par celle de la maison commune, d'où elle rentrera dans l'église » (inv. sommaire des Arch. Gde. E. supp. 4820 - G. - G. 7 reg.).

Il n'y a donc plus aucun doute que l'ancienne paroisse de Castillon ait englobé toute la plaine de Colles, s'étendant au delà de la Lidoire, dans la juridiction de Montravel. La bataille de juillet 1453 qui s'est déroulée entièrement sur le territoire de l'ancienne paroisse de Castillon, méritait bien son nom de bataille de Castillon.

J.A. GARDE

Extrait de la Revue S.H.A. du Libournais 1953 à 54 p. 45 à 48 

17 janvier 2006

Le MoNuMeNt deS FrèReS BuReaU

Le MoNuMeNt deS FrèReS BuReaU - 2006

Le MoNuMeNt deS FrèReS BuReaU - 2006

Le MoNuMeNt deS FrèReS BuReaU - 2006 Le MoNuMeNt deS FrèReS BuReaU - 2006

Situé au bord de la D936, ce monument a été érigé par l'architecte Henri Mollo sur l'initiative de l'union patriotique de la Gironde en 1888. Il rappelle la célèbre bataille de Castillon qui eut lieu à cet endroit le 17 juillet 1453.
Elle s'acheva par la victoire de la France sur l'Angleterre et mit un terme à la guerre de Cent Ans.
Jean Bureau qui fut l'instigateur de la victoire était Trésorier de France, Maître de l'Artillerie et maire de Bordeaux.

Les « Sept calibres de France » et les frères Bureau.
Désormais pour le roi de France, on ne ferait plus que des tubes destinés à lancer des boulets en fonte de fer de 2, 4, 8, 16, 32 et 64 livres. A la fin de la Guerre de Cent Ans, sous le règne de Charles VII, la période des tâtonnements de l’artillerie à feu naissante s’achève avec de notables progrès réalisés par les frères Bureau. Ceci permet à la France de disposer vers le milieu du XVème siècle d’une artillerie moderne et enfin efficace. La fonte de fer remplace le fer forgé pour la confection des bouches à feu. La fabrication est moins pénible, moins coûteuse. Malgré le prix élevé de l’étain, les qualités exceptionnelles du bronze finirent par s’imposer.

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17 janvier 2006

SuR DeuX TroPhéeS De La BaTaiLLe De CaStiLLoN

1 - LA SAINTE-ÉPINE

Les textes qui nous sont parvenus sur le déroulement de la bataille de Castillon sont insuffisants et contradictoires. Si nous ne connaissions pas le désarroi provoqué en 1453 par le retentissement de la chute de Constantinople, nous pourrions taxer les historiens et les chroniqueurs dimprévoyance ou fie négligence; mais cet évènement, considérable dans l'Europe chrétienne, éclipsa alors le succès des armes françaises et ses conséquences imprévisibles.

Dans sa date même, la défaite anglaise comporte déjà l'incertitude. Certains la fixent au 13, d'autres au 17 juillet 1453.

Parmi les faits peu connus de cette mémorable journée et diversement racontés, il en est un qui, malgré son appartenance actuelle au Périgord, entre, par son origine, dans nos annales locales: c'est celui qui se rapporte à la découverte, en terre castillonnaise, d'une sainte relique, sur le cadavre du général Talbot. Ceci devrait justifier mon entrée insolite dans le domaine de nos voisins et amis de la Dordogne; mais ne savons-nous pas qu'ils soutiennent, avec quelque raison. D’ailleurs, que la bataille de Castillon fut la bataille de Lamothe-Montravel (M. Dujarric-Descombes, ancien vice-président de la Société H.A.de Périgueux: de 1848 à 1926 - Manuscrit des archives de Montréal). Pourtant, s'il est vrai que l'effort principal des combattants eût lieu dans le territoire de cette commune, n'est-il pas juste de reconnaître aussi que les premières escarmouches débutèrent en l'abbaye de Castillon et que la poursuite des vaincus ne s'arrêta qu'aux portes de Saint-Emilion (Guinodie - Histoire de Libourne, T. III, P. 50 - 2e édit.).  - En outre, militairement, l'objectif du combat était bien Castillon et positivement, c'était la bataille «pour» Castillon.). Au surplus, ce n'est pas seulement mon incursion en Dordogne que l'on devra me pardonner mais aussi la relation de faits déjà signalés et recueillis, pour la plupart, dans les fécondes publications de la société H.et A. du Périgord.

Cependant, en soulevant la trame légère de la légende, mon intention reste pure et ne tend qu'à faire connaître en Libournais, où elle est très peu répandue, l'histoire vraie de la sainte Epine de Talbot « our good dooge » (Talbot était d'origine française, il descendait de barons normands du pays de Caux. Il avait pour cognizance ou marque personnelle, un chien avec cette devise « Talbot our good dooge» (notre bon dogue) - Nlle biographie générale publiée par MM. Firmin Didot 1845).

J'ai pu, grâce au bienveillant accueil de Monsieur le Colonel marquis de Faubournet de Montferrand, et aussi à l'amicale serviabilité de notre distingué collègue, M. J. Ducasse, contempler ce gage sublime de la fin de la Guerre de Cent ans et recueillir, à Montréal, des renseignements et des impressions utiles à mon exposé.

J'ai, dès l'abord, été séduit par l'aspect extérieur de la chapelle où est conservée la glorieuse relique. Deux tourelles, dont l'une au toit pointu et l'autre au sommet tronqué, flanquent l'édifice principal, élevé en pignon, et impriment à cet ensemble, où se révèle l'éloquente entité des vieilles pierres, un rythme imposant de verticales contenu par celui des lignes brisées au symbole tragique. Rien n'est plus propre à nous reporter au soir de Castillon pendant que le grand maître de France. Jacques de Chabannes, partage les dépouilles du cadavre encore chaud du fameux général anglo-normand. Il est dit, qu'ayant envoyé le hausse-col du vaincu à Charles VII, il garda pour lui l'épée (dont il sera question par la suite) et qu'un reliquaire composé d'une croix d'or garnie de diamants enfermée dans une bourse de velours devint le lot du seigneur de Montréal, en Périgord.

La raison d'une telle faveur, envers un simple capitaine parmi tant d'autres, ne peut se trouver que dans le mérite déployé pour un haut fait.

Dans un manuscrit (Bibliothèque de M. Dujarric-Descombes.), Chevalier de Cablanc nous renseigne bien sur l'action elle-même, mais il commet une confusion dans les noms :

« Nos périgourdins, dit-il, suivirent très bien dans ceste occasion et la tradition nous apprend que ce ne fût point, comme le rapporte de P. Dupuy d'un coup de couleuvrine que Talbot périt, mais qu'il fut tué de la main du seigneur de Pombrian, lequel luy arracha la sainte Epine qu'il portait au col et laquelle est encore présentement dans le » château de Montréal qui estoit la demeure ordinaire des seigneurs de Pombrian, avant que M. Duchesne le lieutenant général d'à présent ne l'eut acquis d'eux ».

Or, le seigneur de Montréal, héros de Castillon, n'était pas Pontbriant, chevalier de Cablanc, qui écrivait au XVIIème siècle, a ignoré sans doute la teneur d'un acte de 1526 dont le passage suivant écartait toute incertitude:

« Iceluy, reliquaire, entre autres choses par le dit feu seigneur pries et apporté au dit château de Montréal, et, depuis y a demeuré clos et fermé sans scavoir ce qui était dedans. » (Le P. Dupuy signale l'existence de cet acte et M. de Montaigut en a publié le texte, suivi de la transcription incomplète, par suite de déchirures, d'un feuillet. de papier sans date. mais vraisemblablement d'origine fort ancienne et qui devait être le titre historique confirmant la prise de la sainte-Epine sur le corps de Talbot par le seigneur de Montréal - Bull. de la Société H. et A. du Périgord, T, XIX, p. 345 et 346).

Ledit « feu seigneur » était Michel de Peyronenc (M. Dujarrie-Descombes nous apprend encore que Montréal doit son origine à la famille de St-Astier. Au XVe siècle, Catherine, fille et héritière du dernier seigneur de ce nom, porta en se mariant Gérard de Peyronenc, seigneur de Loupiac, les biens de sa maison. Entre autres enfants, ils laissèrent Michel de Peyronenc, qui, aux terres de Loupiac et de Montréal joignit: celle de Verteil­lac et de la coseigneurie du Chapdeuil) qui tenait Montréal de son père. Il eut de son mariage avec Agnès de Las Tours, en 1483, une fille unique qui épousa, vers 1500, Pierre de Pontbriand, ce n'est donc qu'à partir de cette date que les Pontbriand purent devenir seigneurs de Montréal et en faire leur « demeure ordinaire ». L'erreur de Chevalier de Cablanc apparaît donc évidente. D'autre part, l'acte signalé ci-dessus était une convention entre Pierre de Pontbriand, gendre héritier, de Michel Peyronenc et Guillaume Sudiraut, curé d'Issac; il se rapportait au culte prévu pour la sainte-Epine qui venait d'être découverte dans la croix d'or garnie de diamants et avait été en­registré le 12 août 1526, par le notaire Lévêque. On objectera que ce serait bien peu de chose pour établir l'authenticité d'un fait historique, après 73 ans, et l'origine divine d'un objet à proposer à l'adoration des foules.

On doit se garder, toutefois, des oppositions trop hatives, se reporter aux coutumes anciennes, envisager la valabilité des déclarations de Pierre de Pontbriant devenu dépositaire, avec sa femme, des rapports de Michel de Peyronenc sur la provenance de la croix d'or et les raisons qui s'opposèrent à son ouverture, peut-être assujettie h un secret.

On sait que pendant plusieurs années après son mariage, Pierre de Pontbriant eut à faire valoir ses droits sur les terres de Montréal disputées par leurs habitants (elles comprenaient alors au moins huit domaines ou métairies) et qu'il s'adonna, en outre, à procurer satisfaction aux intérêts matériels de la population de sa paroisse. Ce ne fut qu'après ces réalisations qu'une inspiration soudaine lui permit de découvrir la sainte-Epine enchâssée dans son précieux trésor (Pierre de. Ponbriant fut page d'Odet d'Aydie, échanson de Ch. VII, sous gouverneur du comte d'Angoulême, gouverneur des châteaux de Molle, Niort, Fontenay le Cte, Bergerac et gentilhomme ordinaire de la chambre de François Ier (M. de Montaigut, ouvr. cité). On tiendra le plus grand compte de la relation faite par le P. Dupuy, un siècle plus tard, et qui jugea pièces en mains, puisqu'il eut l'avantage de compulser les archives du château.

« Noble Pierre de Pontbriant, conte-t-il, faisant ouvrir ce sacré reliquaire, croix d'or garnie de diamants, trouva dedans une épine et n'ayant assurance s'il fallait honorer, comme ayant servi à la Passion de Jésus-Christ, il consulta, sur ce double, notre évêque de Plaignie qui commit l'examen de cette affaire à son théologal Maimont, gardien du couvent de Saint-François, lequel dans sa consulte baillée par escript, répond qu'il fallait demander il Dieu des signes extraordinaire par jeusnes et prières publiques, afin qu'il luy pleut de déclarer en quel estat il voulait qu'on tint ceste épine.

Il est vraysemblable que dans l'essay faict, divers miracles parurent, car l'an 1526, noste évesque expédia un bref en faveur de » la transaction faite par le sieur de Pombrian, avec Sudiraut, curé de la paroisse d'Ayssac, déclarant, après plusieurs consultes, qu'on peut et doit honorer la sainte Epine, commandant de la porter processionnellement. J'ai vu l'original de ce rescript dans le thrésor du château  de Montréal. »

On peut regretter l'absence de l'énonciation des miracles qui motivèrent la décision de l'évêque, mais on connaît aussi la réserve apportée par l'Eglise en ces manifestations, ce qui permet d'accorder foi aux déclarations du F. Dupuy et de tenir sa documentation comme primordiale en cette affaire. On trouve, par ailleurs, dans l'annuaire pontifical catholique de 1911, de caractère officiel en matière religieuse, cette notation: Une sainte Epine est honorée dans le château de Montréal, paroisse d'Issac, elle fut retrouvée sur le général Talbot, tué à la bataille de Castillon, le 17 juillet 1453, avec des caractères d'authenticité tels, que l'évêque de Périgueux, Jean de Plaignie, en a autorisé le culte solennel en 1526 ».

Ainsi étayée, l'histoire du talisman de Talbot appelle notre crédit. Vénéré par les foules, honorées par les seigneurs de Montréal, nous le trouvons, après les Pontbriant, propriété des Duchesne en 1639 (par adjudication du domaine au prix de 131000 livres, la sainte Epine, faisant partie de la vente) (Les Duchesme de Montréal, par le doct. Ch. Lafon, président de la S.H.A.P. (Bull. de la S.H.A.P., T. LXVIII p. 433, renvoi 1) et hérité en 1752, par les Faubournet de Montferrand. A l'aube de l'année terrible, il fait l'objet d'une délibération municipale dont les termes mesurés cachent mal le profond respect qu'on lui portait encore :

« Nous, maire et officiers municipaux de la commune d'Issac, avons délibéré que, comme la relique de la sainte Epine est portée » sur le verbail qui a été fait à Montréal et dont Martial Ladhau est nanti, nous y envoyons un sergent de la garde nationale avec quatre hommes et le vicaire desservant, promettant de la garantir de tout a évènement et de la remettre au dit Montréal suivant l'usage. » Signés à Issac, le 21 mars 1792, Auberty, maire, etc... (Les registres de la commune d’Issac renferment aussi le P. V. suivant qui confirme le pillage et la destruction des archives de Montréal : 27 Brumaire an II; papiers du ci-devant seigneur de Montréal, apportés par ordre de la municipalité depuis le 23 octobre. Les papiers, ci-dessus ont été portés sur la place publique et brulés en présence de la municipalité et des citoyens assemblés ce même jour. Signé au registre, Jean Lespinasse, officier mpal., Anbertie, maire). »

Par la suite, Montréal, ce lieu spirituel, où s'unirent, dans la confiance en la protection divine et le souvenir des exploits glorieux, le patriotisme naissant et la foi médiévale, fut vendu à l'encan. Son mobilier dispersé, ses trésors pillés, ses propriétaires émigrés. Comment la Sainte-Epine fut-elle préservée du désastre, et par quelle intervention mystérieuse, la tourmente passée, redevint-elle le précieux ornement du château? Monsieur de Faubournet de Montferrand, avec son âme d'artiste, parle avec ferveur des temps écoulés. Il a bien voulu rappeler pour nous, les circonstances qui ont permis à l'inestimable relique de regagner le sanctuaire où elle fut placée voici cinq siècles et qui se résument ainsi « Après avoir été avec les autres meubles emmagasinée à Mussidan, comme bien national, la Sainte-Epine fut adroitement subtilisée par un nommé Crabanac, membre du district, neveu par alliance de l'abbé Lespine, ancien vicaire d'Issac. Ayant réussi, par de pieux mensonges, à justifier la disparition de cet objet, figurant à l'inventaire du château, sous la rubrique :

« Chasse contenant la relique de la sainte Epine dont l'étui nous a paru être en argent et les baguettes et couverture en cuivre. »

« Il le conserva jusqu'en 1836, époque à laquelle mon grand-père racheta le domaine. Son régisseur Antoine Lachau informé par M. Cra­banac du précieux dépôt qu'il détenait servit d'intermédiaire et remit au marquis la Sainte-Epine récupérée. »

Les Faubournet de Montferrand entreprirent alors les démarches utiles afin de rendre au prodigieux trésor l'authenticité de ses origines. Elles aboutirent, le 21 mai 1858, à l'obtention d'un Bref de Mgr. George Massonnais, évêque de Périgueux et de Sarlat, conçu en ces termes :

« Jean Baptiste Amédée George, par la miséricorde divine et la grâce du saint Siège apostolique, évêque de Périgueux et de Sarlat: Vu, la relation historique, à nous présentée et qui demeure annexée à la présente ordonnance, de laquelle relation il résulte que, dès les temps les plus reculés, une Sainte-Epine de l'adorable couronne de N. Seigneur Jésus-Christ était conservée et honorée au château de Montréal, paroisse d'Issac, dans notre diocèse.

Appréciant, comme de droit, les raisons et procès-verbal établissant que cette relique pieusement sauvée durant les troubles de la fin du siècle dernier est revenue en son premier lieu, mais privée dit titre par lequel Jean de Plaignie, ou Planis, de bonne mémoire, l'un de nos prédécesseurs, en autorisait le culte.

Ayant examiné la dite relique formée de deux fragments réunis par un fil rouge, placée dans une monstrance en argent, de forme carrée, ayant quatre côtés munis d'un verre, placée sur un pied imitant celui d'une petite custode et surmontée d'une petite croix laquelle nous avons attaché, par un fil rouge, notre sceau pour qu'elle ne puisse être ouverte, désormais.

Faisant aux termes du S. Concile de Trente (sess. XXV de vener, ss et imag.) ce qui nous paraît conforme à la vérité et à la piété.

Nous avons permis et permettons, par les présentes, d'honorer publiquement et d'exposer la sainte Relique, recommandant d'éviter à ces sujettes toutes superstitions et abus, et priant notre Sauveur de bénir tous ceux qui, en mémoire de sa divine Passion, vénéreront cette sainte Epine de sa couronne sacrée.

Donné à Périgueux, sous notre seing, notre sceau et le contre seing de notre secrétaire, le 21 mai 1858 : Jean, évêque de Périgueux et de Sarlat. (Jean-Baptiste Amédée George Massonnais évêque de Périgueux et de Sarlat du 21 février 1841 au 20 décembre 1860, neveu du cardinal de Cheverus, archevêque de Bordeaux, il rétablit 1a liturgie romaine en 1847, obtint la restauration de St-Front et transféra le grand séminaire de Sarlat à Périgueux. Ce fut un apôtre (abbé Texier, secrétaire général de .la Société historique d'Aunis el Saintonge). Par mandement de Monseigneur: Dubois, secrétaire.

En conséquence, le culte fut repris et continué de nos jours. Chaque année, le premier dimanche de septembre, la Saint-Epine est honorée publiquement, au cours d'une ostension et d'une procession.

Nous associant, en quelque sorte, à la solennité qui se déroule en ce moment, nous, qui demeurons soumis au mystérieux attrait des valeurs du passé, et qui célébrons le 5ème centenaire du mémorable combat, dans le lieu même où il se déroula, en Castillon-la-Bataille, si grande aujourd'hui, du mérite de nos pères, notre pensée s'élèvera, du coin de terre où il fut conquis, vers le trophée de Peyronenc.

Evoquant le paysage de pure essence périgourdine, où se dresse fièrement l'antique forteresse (En 1669, six prières de canon sur chevalet, six pièces sur roues. 40 arquebuses et 2 mousquets du cuivre défendaient les approches de Montréal), nous joindrons notre hommage à celui de la foule recueillie. De ce sommet rocheux, nos regards franchiront les horizons magiquement bleutés et, nous saluerons la mémoire du compagnon de Jacques Cartier, ce Pontbriant de Montréal qui, de sa courageuse aventure, attacha son nom à la naissance de la vaste cité canadienne du Saint-Laurent.

Et, empreints de la sereine beauté de ce site privilégié, nous exprimerons notre reconnaissance à ceux qui maintiennent, avec tin si noble souci, la pérennité glorieuse des exploits ancestraux et la grandeur de nos traditions.

2 – L’ÉPÉE

Dans son étude sur les seigneurs de Montréal, M. Dujarric­-Descombes (déjà cité dans mon exposé sur la sainte Epine de Talbot) ancien vice-président de la société H. A. du Périgord, ayant consulté l'histoire du Berry (III p.103) de Thaumas de la Thaumassière et le nobiliaire du Limousin de Nadaud (I. p.647), nous dit que l'épée de Talbot se voyait encore à la fin du XVIIIème siècle, au château de Madic, résidence de la puissante famille de Chabannes, à 30 km, de Mauriac en Cantal. Ceci paraîtrait acceptable, puisque nous avons vu le vainqueur de Castillon s'attribuer l'arme de son ennemi malheureux lors du partage de ses dépouilles; mais il faut demeurer très circonspect à ce sujet, car plusieurs autres récits viennent réfuter cette possibilité.

MM. Firmin Didot frères (nouvelle biographie générale 1845) ont trouvé que cette épée fut réclamée, sous le règne d'Elisabeth, par le comte de Shrewsbury descendant de Talbot. Le manque de détails et de références de ce texte, ne permet pas de conclure avec certitude; mais on peut penser qu'il fait suite à la découverte de la fameuse flamberge au XVIème siècle, par un paysan qui la trouva dans la Dordogne », raconte notre distingué collègue, M. R. Cousté (journal Sud-ouest du 9 août 1952), au risque de rendre invraisemblable la lecture de l'inscription gravée sur cette lame. « Chez un villageois de Castillon disant l'avoir gardé de tout temps », écrit Elie Vinet, le célèbre professeur de Michel Montaigne, en 1582, dans une lettre qu'on croit avoir été destinée à l'un des magistrats composant la Chambre de Justice en Guyenne tenant alors, à Agen, sa deuxième session.

Voici la partie principale de cette correspondance, tirée, des Archives de la Gironde T. XII p. 360.

« Monsieur, je vous ai rescript que Paulus Diaconus n'estoit ni chez les libraires, ni en mon étude, et, en mesmes lettres, vous ai faict mention d'une authentique antiquité que j'ai vueue en cette ville despuis qu'en avez esté parti, laquelle je désirois que vissiez à vostre retour que je désire estre bref je ne vous disois autre chose d'icéle, mais j'ai despuis pensé que je pourroie avoir mal faict en cet advertissement et que le désir et l'envie de bien tost scavoir que c'est vous pourrait endommager la rate, pour le long séjour qu’il vous faut fère de pardela, et, davantage, que n'estes asseuré de nous revoir : comme M. de Thou s'en est retourné à Paris par autre voie, et, à cette » cause, j'ai esté d'avis de vous compter ici toutes telles nouvelles de ladite antiquité, que verriès, quand i series. Et voici que c'est : Ayezvous pas ouï parler de Castillon, au-dessus de Libourne, et du lieu prochain où les Anglais furent jadis fouétés par noz François? Ne vous a-t-on point dit qu’aux maretz et bords de la Dordogne, de cette part, se trouve encores aujourd'hui force os d'hommes et de chevaux, et prou d'outils de guerre? Un armurier de cette ville, huit ou dix ans i a (il me l'a compté) à une foire de Castillon, acheta une rapière toute mangée de roulle, d'un villageois qui se dizoit, l'avoir gardée de touts  temps. Cest ouvrier pensa bien que c'estoit quelque bonne chose. Ti la fourbit et la rendit belle et luisante et la garde pour l'antiquité.

Elle a près de trois pieds de long; de large vers la poignée: quatre dois, et au milieu, tant d'ung costé que d'autre, cete escriture contenant le nom de son premier maistre, et ce en deus randhes :

SVM TALABOTI MTIII" XLIII
PRO VINCERE INIMICO MEC

Voila pas donques Talbot, Talebot, Talabot, capitaine anglais qui mourut à cete meslée, l'an 1453, disans, après le coutelas forgé : « Qui non potuit vineere inimico » comme 1'avoit promis, mais il n'î a remède. Bordeaux ce 14 novembre 1582: Elie Vinet. »

La qualité de l'auteur, l'un des personnages les plus en vue de Guyenne au XVIème siècle, pour ses travaux littéraires, scientifiques ou critiques, ne permet pas de contester la véracité du fait. Toutefois des objections sérieuses se sont élevées, à propos du texte en mauvais latin qu'il a transcrit, sans en relever le barbarisme.

Dernièrement encore, M. l'abbé Texier, l'érudit secrétaire général de la société historique de Saintes, déclarait :

« Cette inscription paraît inauthentique, même ù la fin du moyen âge on ne parlait pas un si mauvais latin. Il y avait l'expression stéréotypée en liturgie, en diplomatique, en littérature : «  ad effugandum ini­micum ». « Pro vincere inimico méo » est indéfendable. »

Notre collègue, le docte historien, Jean Ducasse, suppose que le mauvais état de conservation de l'arme a fait disparaître les « s » de inimicas méos.

A cette conjecture, s'oppose assez fortement Elie Vinet lui-même, constatant d'abord :

« Cette (même) escriture, tant d'ung costé que d'autre. » et parodiant ensuite, avec sa fine ironie : «  Qui non potuit vineere inimico, comme l'avait promis. » permettant ainsi d'admettre que rien ne lui échappa, ni de la grossière irrégularité des termes employés, ni de leur orgueilleuse prétention.

Il n'en reste pas moins que des deux épées qui furent présentée comme ayant appartenu à Talbot, celle de Madic ou celle de Bordeaux, l'une, au moins, était apocryphe, et qu'il est difficile aujourd'hui d'établir l'authenticité indiscutable de l'autre.

A. Courty, le 06 sept 1953.

Extrait de la Revue S.H.A. du Libournais 1953 à 54 p. 37 à 44

17 janvier 2006

Le LiVRe d'HeURes De TaLBoT *

Talbot, l'un des plus fameux guerriers du XVème siècle, le plus illustre des adversaires de Jeanne d'Arc, celui auquel Shakespeare a accordé le surnom d'Achille anglais, octogénaire tué à la tête de ses troupes sous les murs de Castillon en 1453 par une bande de Bretons (1), possédait un livre d'heures de format allongé 0,27 x 0,115 prouvant qu'il était destiné à être porté par son propriétaire dans ses campagnes.
Talbot Ier comte de Shewsburg descend de Sir Gilbert Talbot, Lord Chamberlain d'Edouard III en 1331, décédé en 1346.
Ce volume (2) de 136 feuillets est orné de 26 miniatures de diverses dimensions. Dans les 6 premiers, on remarque beaucoup de noms de saints anglais: saint Cuthbert, saint Richard, saint Dunstan, saint Edme, saint Alban, 1er martyr d'Angleterre, sainte Etheldride, sainte Cuthburge, sainte Edithe et saint Hugues, évêque de Lincoln. Le verso du feuillet suivant est entièrement occupé par une grande composition qui constate la provenance illustre de ce volume ; une miniature qui couvre la moitié de cette page représente la Sainte Vierge assise sur un trône peint en rouge sur un fond damier. Devant elle sont agenouillés, à gauche Jean Talbot, assisté par son patron guerrier saint Georges qui terrasse le dragon; à droite Marguerite de Beauchamp, seconde femme de Talbot, assistée par sainte Marguerite, accompagnée aussi d'un dragon à face humaine. Talbot armé de toutes pièces, est vêtu d'une cotte armoiriée; son épouse porte un large manteau de drap d'or; une pièce d'étoffe rouge, disposée sur sa tête en guise de hennin, et dont les bouts retombent jusqu'à terre, lui sert de coiffure. Au-dessous de cette peinture, figurent les armoiries et les devises des deux époux:

Sous Talbot est une bannière déployée avec ses armes : Parti : au 1er écartelé de Talbot et de Strange; au 2e écartelé de Furnival et de Verden ; sur le tout : écartelé de Lisle et de Tyes. Talbot était en effet seigneur de Furnival et de Verdon du chef de sa première femme Mathilde, fille de Thomas Nevill, et seigneur de Lisle et de Tyes du chef de sa seconde femme, Marguerite de Beauchamp, fille du comte de Warwick. La bannière déployée au-dessous du portrait de cette dernière est aux armes de sa maison. Chacune de ces bannières surmonte les insignes de l'ordre de la Jarretière, renfermant au centre le petit chien des Talbot sous Talbot, et l'ours de Warwick sous Warwick. Un pied de marguerites, autour duquel s'enroule une banderole avec cette devise: Mon seul désir (2 mots illisibles) est, passe entre les deux bannières. Dans le célèbre manuscrit offert par Talbot à Marguerite d'Anjou, épouse de Henri VI, manuscrit conservé au Musée britannique sous le nom de Shreusbury-Book, la devise de Talbot est exprimée dans ce rondeau commençant comme la devise de la banderole:

Mon seul désir
Au roy et vous
Et (este) bien servir
Jusqu'au mourir;
Ce sachent tous:
Mon seul désir
Leu roy et vous.

Ce manuscrit n'est bien homogène ni par les miniatures, ni par le texte : il est successivement en anglais et en français.
Ce livre de prières qui ne parait jamais l'avoir quitté, aura sans doute été pris dans le pillage qui suivit la déroute, car après quatre cents ans, il a reparu en 1855 chez un brocanteur de Nantes, d'où il passa dans la collection d'un bibliophile breton, gagna par la suite la signature d'un Henry de Bourbon. Après avoir figuré dans les vitrines de l'exposition rétrospective de 1867, il entra dans la célèbre bibliothèque de Firmin Didot et fut vendu à sa vente 18500 francs (2820,31€) en mai 1879 (3). 

W. LE MATTRE.

(*) Communication de M. LE MATTRE la séance du 7 avril 1957. Ayant interrogé notre collègue sur les différences que l’on pouvait relever entre cet article et celui publié par lui en novembre 1948 dans la petite revue libournaise Arc-en-ciel, M. Le Mattre nous a déclaré que ce premier article était « une fantaisie » en ajoutant : « Ce que je vous ai envoyé cette fois n'est pas une fantaisie. Je possède les différents catalogues des ventes de la Bibliothèque Firmin-Didot, catalogues très détaillés et c'est sur celui de la vente 1879 que j'ai copié quelques passages concernant les livres d'heures de Talbot... Pour l'origine de Talbot je l'ai pris dans mon peerage-book et je crois avoir écrit Chambellan en anglais ».
(1) Ce terme est extrait du catalogue Firmin Didot.
(2) Le catalogue le définit ainsi: « In folio étroit de 4 et 136 ff. miniatures, bordures et lettres ornées; ais de bois dépouillés de leur couverture. Précieux manuscrit sur Velin exécuté en France, dans la première moitié du XVème siècle, pour le célèbre général anglais Jean Talbot... »
(3) M. Le Mattre ignore comme nous le destin actuel de ce livre d'heures puisqu'il nous demande : « Quel est l'actuel possesseur du livre ? »

Extrait de la Revue S.H.A. du Libournais 1957 à 58 p. 81 à 82

17 janvier 2006

Le MoNuMeNt de TalBoT

Le souvenir qu'a laissé la bataille dans beaucoup de comptes rendus français est caractérisé par le fait que le seul monument sur le site est dédié au chef anglais tombé au combat, Talbot. La statue existante est à l'endroit même où une chapelle, "Notre-Dame de Talbot", avait été érigée par les Français peu après la bataille; elle fut appelée plus tard "Tombe de Talbot", et fut détruite pendant la Révolution. Au cours des années, les restes de Talbot furent déplacés. D'abord l'ensemble des restes à l'exception du crâne fut ré-enterré à Falaise (commune du Calvados, située au sud de Caen). Son crâne fut transporté en Angleterre, puis sir Gilbert Talbot ramena le reste de sa dépouille en 1493.

Le MoNuMeNt de TalBoT - 2006

Le MoNuMeNt de TalBoT - 2006  Le MoNuMeNt de TalBoT - 2006

Le MoNuMeNt de TalBoT - 2006

17 janvier 2006

La BaTaiLLe De CaStiLLoN

 

La BaTaiLLe De CaStiLLoN

 

17 juillet 1453.

Les Historiens sont d'accord pour reconnaître que la Bataille de Castillon (17 juillet 1453) termina la guerre de Cent Ans avec les Anglais. Pour l'homme de notre temps il reste à expliquer comment l'Aquitaine au Moyen-âge devint possession Anglaise et pourquoi dans ce conflit, qui opposa si longuement deux royaumes, les populations d'Aquitaine ont-elles soutenu la couronne anglaise.

Brièvement, nous allons tenter de répondre à cette double interrogation.

En 1137 mourait le dernier Duc d'Aquitaine. Sa fille Aliénor épousait Louis le Jeune, futur Roi de France, puis son mariage annulé (1152) elle épousait peu après Henri Plantagenêt, futur Roi d'Angleterre. Ainsi l'Aquitaine était-elle rattachée à la couronne Anglaise, qui devenait ainsi vassale du Roi de France. A la mort de Charles IV et en l'absence d'héritier mâle, Philippe de Valois, est nommé régent alors que le Roi d'Angleterre est écarté (1328, Loi Salique). Après divers incidents, le Roi de France saisit l'Aquitaine (en 1337) ouvrant ainsi un conflit qui se prolongera pendant plus d'un siècle.

Pour comprendre les sentiments des populations d'Aquitaine, il faut savoir que la longue domination anglaise n'apportera avec elle ni la misère, ni l'oppression. Au contraire les rois d'Angleterre accordèrent, avec des chartes de plus en plus libérales aux communes (à Castillon 1ère charte en 1359, 2éme en 1351) plus de facilités, plus d'autonomie. Ainsi les relations commerciales furent elles à la base des liens de plus en plus étroits, qui se tissèrent entre l'Aquitaine et le Couronne Anglaise.

 

LA GUERRE – La guerre ravagea notre pays qui fut bien près de sa perte. Après bien des revers un redressement s'opéra, en partie sous l'impulsion de Jeanne d'Arc, La Guyenne fut presque entièrement conquise par les Français, mais les exigences maladroites de Charles VII firent regretter à beaucoup la tutelle anglaise. Henri VI informé des sentiments des Aquitains, chargea John Talbot, comte de Shewsbury, au long passé glorieux de la reconquête. Au cours d'une rapide campagne, Bordeaux est repris le 23 octobre 1452 et Castillon se soumet aux Anglais. Les Français décident alors de contre-attaquer. Ils s'avancent par la vallée de la Dordogne et prennent Gensac le 08 juillet 1453. L'armée française avance vers Castillon, ville fortifiée, mais ne l’assiège, ni n'en force les défenses. Ce comportement des Français ne s'inscrit pas dans leur stratégie offensive qui leur a déjà permis d'emporter plusieurs places-­fortes (la dernière, Gensac, il y a quelques jours) - Leur objectif n'est sans doute plus de conquérir Castillon et la Guyenne, ville par ville. Il est de détruire l'armée anglaise de Talbot et l'anéantir et de régler ainsi en un unique engagement le sort de l'Aquitaine. Les frères Bureau connaissent Castillon et ses environs pour avoir avec l'armée de Penthièvre enlevé la place en 1451, à vrai dire sans grand combat. Il semble donc, que, connaissant les lieux, les frères Bureau aient voulu attirer l'armée de Talbot sur un emplacement dont ils connaissaient les avantages stratégiques. Et leur tactique fut couronnée de succès.

PRÉLÉMINAIRES DE LA BATAILLE - L'armée s'établit à 1,800 km à l'Est, dans la vallée, sur la rive droite de la Dordogne. Ellecomprend environ 10.000 hommes «de toutes les provinces», 1.800 lances, des francs-archers, une artillerie de 300 pièces diverses servis par 700 manœuvriers sous les ordres des frères Bureau. L'emplacement choisi présente d'incontestables avantages: au Nord, il s'adosse à la Lidoire, petite rivière aux rives escarpées, et dont le niveau pouvait être rapidement élevé par un barrage. A l'Ouest, au Sud et à l'Est, un long fossé l'entourait (1,600 km), de largeur (5 à 6 ml, de profondeur (4 m environ) suffisantes à décourager l'assaillant. Réalisé en 3 jours, selon des considérations tactiques que n'aurait pas désavouées Vauban, il présentait des sinuosités, des indentations permettant des feux croisés. Protégé par un talus, renforcé de troncs d'arbres, il allait présenter des problèmes redoutables à la cavalerie anglaise. Ainsi réalisé, le camp avait 200 à 300 m du Nord au Sud et 600 m de l'Ouest à l'Est. Devant lui s'étendait sur 500 à 600 m la plaine de la Dordogne, rivière qu'on ne pouvait franchir qu'en un gué: le pas de Rauzan.

 

La BaTaiLLe De CaStiLLoN - Schéma

 

La BaTaiLLe De CaStiLLoN - Carte topographique 1:25000

Si l'ennemi venait du Nord, il se heurtait à la Lidoire, obstacle difficile à franchir, aux abords immédiats du camp. S'il venait de l'Ouest, il ne pouvait entièrement se déployer devant le front étroit de la place (200 m). S'il venait du Sud, le champ de bataille jusqu'à la Dordogne, se trouvait sous le feu de l'artillerie française.

L'attaque vint du Sud mais… nous n'en sommes pas là.

 

Le dispositif des français s'était complété par deux opérations:

1 - 700 hommes avaient occupé le prieuré de St-Florent au Nord-Ouest du camp.

2 - La cavalerie bretonne (240 lances) était remontée en réserve à Horable, à 1,500 km au Nord de la place.

 

Vue du ciel des champs de Bataille

 

Photo aérienné du champ de bataille de Castillon aujourd'hui, prise en direction de l'ouest.

La Dordogne est à gauche, Castillon-la Bataille en haut, une épaisse rangée d'arbres marque la Lidoire, juste à gauche de la route. On voit même une trace partielle des retranchements du camp français qui se révèle dans les limites de certains champs au centre de la photo.

(Photo figurant dans La victoire de Castillon de J. Barthe.)

LA BATAILLE - Averti par les Castil­lonnais de l'arrivée des Français, Talbot à Bordeaux, hésite, puis se décide à leur porter secours et part le 16 juillet vers 07 heures du matin. Il couche à Libourne et le matin du 17 juillet 1453 se dissimule dans les bois dominant le prieuré. Comme les Castillonnais le lui ont conseillé, il se précipite et bouscule la faible garnison de Saint-Florent. Celle-ci s'enfuit et s'efforce de rejoindre le camp. Mais la retraite est difficile : on suit le flanc du coteau dominant la rivière et après de sanglants corps à corps, les fuyards franchissant la petite rivière par un gué ou un pont provisoire, se retrouvent à l'intérieur du camp. Peut-être surpris par les difficultés auxquelles ils se heurtent les Anglais refluent sur le prieuré où ils vont se restaurer et se désaltérer en mettant en perce quelques futailles abandonnées par les Français. Talbot s'apprête à entendre la messe, lorsqu'on vient lui rapporter que les Français s'enfuient, abandonnant le camp retranché. De fait des nuages de poussière s'élèvent à l'Est, dans la plaine au-dessus de la position tenue par les Français. On saura plus tard, qu'il s'agit du retrait des pages et des bagages inutiles au combat. Talbot se laisse prendre à ces apparences, il n'hésite pas et se précipite avec les troupes dont il dispose afin de mettre en déroute les Français.

 

Les récits dont nous disposons soulignent le calme exemplaire de ces dernières, alors que les anglais s'approchaient des fossés. Vers le centre du dispositif de défense, se trouvait une indentation profonde et étroite coupée d'une barrière avec une porte servant vraisemblablement d'entrée du camp. Arrivant jusqu'à la contre-­Scarpe du fossé, les anglais essaient de planter l'étendard de Talbot sur un pieu de la barrière. Les Français s'y opposent. Mêlée confuse ! Et l'étendard roule dans le fossé. L'artillerie des Français a eu tout le temps de se préparer. Alors 300 pièces tirent à la fois. Carnage effrayant. Les assaillants sont pressés les uns contre les autres, ils ne peuvent ni s'échapper, ni se dissimuler. Courageusement les survivants se regroupent mais de nouvelles décharges jettent la débandade dans le camp assaillant. Alors les Français ouvrent les barrières et poursuivent les Anglais. Dans la mêlée qui s'ensuit, Talbot, dont la «haquenée» avait été tué par un boulet, est précipité à terre et tué par quelque archer. Au bruit de la canonnade, les Bretons en réserve à Horable (moulin) précipitent la déroute des Anglais. Les survivants (4000 morts au moins restèrent sur le champ de bataille !) s'enfuient, les uns en franchissant la Dordogne (mais beaucoup se noient), les autres en refluant vers l'Ouest (certains atteignent Saint-Émilion) d'autres enfin en s'abritant dans la place de Castillon. Refuge de courte durée ! En effet, le 18 juillet, les Français avancèrent quelques pièces d'artillerie sous les murs de Castillon; ce fut suffisant pour obtenir la reddition de la ville. C'est au château de Pressac, à St-Étienne-de-Lisse que fut signée la reddition des Anglais. Le corps de Talbot avait été reconnu par son «héraut». Ses restes furent déposés provisoirement à Notre­-Dame-de-Colle (voir article "Monument de Talbot"), sur le champ de bataille puis transportés en Angleterre et inhumés à Witchurch. Talbot disparu, toutes les places tenues par les Anglais capitulèrent rapidement, Bordeaux se rendit sans effusion de sang.

 

La BaTaiLLe De CaStiLLoN

 

Peinture de la Bataille de Castillon par Larivière,

montrant le moment où le cheval de Talbot tombe.

Ce tableau comporte des erreurs:

le comte ne portait pas d'armure; son cheval était blanc.
(Ce tableau se trouve au château de Versailles, dans la galerie des Batailles).

CONSÉQUENCES - Cette bataille scella le retrait définitif des Anglais et contribua à asseoir l'autorité du Roi de France. Mais pour l'Aquitaine, les conséquences ne furent pas toutes bénéfiques. Plus question de chartes au contenu libéral, plus question de «consentir» l'impôt. Tout un ensemble de conquêtes sur la voie de l'autonomie est remis en question et ne sera récupéré que partiellement et longtemps après. Les Castillonnais perdirent leurs privilèges; péniblement, il fallut les reconstituer. Ce n'est qu'en 1474 que Jean de Foix Candale leur accorda une charte dont les dispositions furent confirmées et élargies par Gaston II en 1487. D'autre part, cette défaite des Anglais bouleversa l'économie de la région. Les courants économiques qui avaient assuré pendant 2 siècles la prospérité de l'Aquitaine furent modifiés. Des ventes de vin à l'Angleterre, sans cesser complètement vont se réduire dangereusement, car ses rares transactions sont assorties de droits élevés et de mesquines vexations. L'exil volontaire ou imposé va aussi éclaircir les rangs des notables. Cependant quelques années plus tard, les exilés volontaires seront bien accueillis à leur retour. Certains retrouvèrent même les terres autrefois abandonnées.

Dans le domaine militaire, cette victoire, fruit d'une conception stratégique nouvelle, met en valeur le rôle important et effrayant de l'artillerie, l'action percutante de la cavalerie quand elle est utilisée au moment opportun. Les chevauchées souvent désordonnées, les volées de flèches, les combats individuels débordant de courage, sont impuissants et incapables de mettre le camp français en danger. Toute une conception moyenâgeuse de la guerre s’écroule et montre son insuffisance devant les nouvelles techniques et les nouvelles armes de guerre.

 

CONCLUSION - A cet évènement important et dont l'histoire conservera le souvenir, les Castillonnais, paradoxalement, n'ont pas pris part ou si peu! A l'abri de leurs murailles ils ont pu suivre les chevauchées, entendre le fracas de la canonnade, presque comme des témoins assistant à un drame dont ils ne pressentaient pas les lointaines et multiples répercussions.

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