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17 janvier 2006

La BaTaiLLe De CaStiLLoN

 

La BaTaiLLe De CaStiLLoN

 

17 juillet 1453.

Les Historiens sont d'accord pour reconnaître que la Bataille de Castillon (17 juillet 1453) termina la guerre de Cent Ans avec les Anglais. Pour l'homme de notre temps il reste à expliquer comment l'Aquitaine au Moyen-âge devint possession Anglaise et pourquoi dans ce conflit, qui opposa si longuement deux royaumes, les populations d'Aquitaine ont-elles soutenu la couronne anglaise.

Brièvement, nous allons tenter de répondre à cette double interrogation.

En 1137 mourait le dernier Duc d'Aquitaine. Sa fille Aliénor épousait Louis le Jeune, futur Roi de France, puis son mariage annulé (1152) elle épousait peu après Henri Plantagenêt, futur Roi d'Angleterre. Ainsi l'Aquitaine était-elle rattachée à la couronne Anglaise, qui devenait ainsi vassale du Roi de France. A la mort de Charles IV et en l'absence d'héritier mâle, Philippe de Valois, est nommé régent alors que le Roi d'Angleterre est écarté (1328, Loi Salique). Après divers incidents, le Roi de France saisit l'Aquitaine (en 1337) ouvrant ainsi un conflit qui se prolongera pendant plus d'un siècle.

Pour comprendre les sentiments des populations d'Aquitaine, il faut savoir que la longue domination anglaise n'apportera avec elle ni la misère, ni l'oppression. Au contraire les rois d'Angleterre accordèrent, avec des chartes de plus en plus libérales aux communes (à Castillon 1ère charte en 1359, 2éme en 1351) plus de facilités, plus d'autonomie. Ainsi les relations commerciales furent elles à la base des liens de plus en plus étroits, qui se tissèrent entre l'Aquitaine et le Couronne Anglaise.

 

LA GUERRE – La guerre ravagea notre pays qui fut bien près de sa perte. Après bien des revers un redressement s'opéra, en partie sous l'impulsion de Jeanne d'Arc, La Guyenne fut presque entièrement conquise par les Français, mais les exigences maladroites de Charles VII firent regretter à beaucoup la tutelle anglaise. Henri VI informé des sentiments des Aquitains, chargea John Talbot, comte de Shewsbury, au long passé glorieux de la reconquête. Au cours d'une rapide campagne, Bordeaux est repris le 23 octobre 1452 et Castillon se soumet aux Anglais. Les Français décident alors de contre-attaquer. Ils s'avancent par la vallée de la Dordogne et prennent Gensac le 08 juillet 1453. L'armée française avance vers Castillon, ville fortifiée, mais ne l’assiège, ni n'en force les défenses. Ce comportement des Français ne s'inscrit pas dans leur stratégie offensive qui leur a déjà permis d'emporter plusieurs places-­fortes (la dernière, Gensac, il y a quelques jours) - Leur objectif n'est sans doute plus de conquérir Castillon et la Guyenne, ville par ville. Il est de détruire l'armée anglaise de Talbot et l'anéantir et de régler ainsi en un unique engagement le sort de l'Aquitaine. Les frères Bureau connaissent Castillon et ses environs pour avoir avec l'armée de Penthièvre enlevé la place en 1451, à vrai dire sans grand combat. Il semble donc, que, connaissant les lieux, les frères Bureau aient voulu attirer l'armée de Talbot sur un emplacement dont ils connaissaient les avantages stratégiques. Et leur tactique fut couronnée de succès.

PRÉLÉMINAIRES DE LA BATAILLE - L'armée s'établit à 1,800 km à l'Est, dans la vallée, sur la rive droite de la Dordogne. Ellecomprend environ 10.000 hommes «de toutes les provinces», 1.800 lances, des francs-archers, une artillerie de 300 pièces diverses servis par 700 manœuvriers sous les ordres des frères Bureau. L'emplacement choisi présente d'incontestables avantages: au Nord, il s'adosse à la Lidoire, petite rivière aux rives escarpées, et dont le niveau pouvait être rapidement élevé par un barrage. A l'Ouest, au Sud et à l'Est, un long fossé l'entourait (1,600 km), de largeur (5 à 6 ml, de profondeur (4 m environ) suffisantes à décourager l'assaillant. Réalisé en 3 jours, selon des considérations tactiques que n'aurait pas désavouées Vauban, il présentait des sinuosités, des indentations permettant des feux croisés. Protégé par un talus, renforcé de troncs d'arbres, il allait présenter des problèmes redoutables à la cavalerie anglaise. Ainsi réalisé, le camp avait 200 à 300 m du Nord au Sud et 600 m de l'Ouest à l'Est. Devant lui s'étendait sur 500 à 600 m la plaine de la Dordogne, rivière qu'on ne pouvait franchir qu'en un gué: le pas de Rauzan.

 

La BaTaiLLe De CaStiLLoN - Schéma

 

La BaTaiLLe De CaStiLLoN - Carte topographique 1:25000

Si l'ennemi venait du Nord, il se heurtait à la Lidoire, obstacle difficile à franchir, aux abords immédiats du camp. S'il venait de l'Ouest, il ne pouvait entièrement se déployer devant le front étroit de la place (200 m). S'il venait du Sud, le champ de bataille jusqu'à la Dordogne, se trouvait sous le feu de l'artillerie française.

L'attaque vint du Sud mais… nous n'en sommes pas là.

 

Le dispositif des français s'était complété par deux opérations:

1 - 700 hommes avaient occupé le prieuré de St-Florent au Nord-Ouest du camp.

2 - La cavalerie bretonne (240 lances) était remontée en réserve à Horable, à 1,500 km au Nord de la place.

 

Vue du ciel des champs de Bataille

 

Photo aérienné du champ de bataille de Castillon aujourd'hui, prise en direction de l'ouest.

La Dordogne est à gauche, Castillon-la Bataille en haut, une épaisse rangée d'arbres marque la Lidoire, juste à gauche de la route. On voit même une trace partielle des retranchements du camp français qui se révèle dans les limites de certains champs au centre de la photo.

(Photo figurant dans La victoire de Castillon de J. Barthe.)

LA BATAILLE - Averti par les Castil­lonnais de l'arrivée des Français, Talbot à Bordeaux, hésite, puis se décide à leur porter secours et part le 16 juillet vers 07 heures du matin. Il couche à Libourne et le matin du 17 juillet 1453 se dissimule dans les bois dominant le prieuré. Comme les Castillonnais le lui ont conseillé, il se précipite et bouscule la faible garnison de Saint-Florent. Celle-ci s'enfuit et s'efforce de rejoindre le camp. Mais la retraite est difficile : on suit le flanc du coteau dominant la rivière et après de sanglants corps à corps, les fuyards franchissant la petite rivière par un gué ou un pont provisoire, se retrouvent à l'intérieur du camp. Peut-être surpris par les difficultés auxquelles ils se heurtent les Anglais refluent sur le prieuré où ils vont se restaurer et se désaltérer en mettant en perce quelques futailles abandonnées par les Français. Talbot s'apprête à entendre la messe, lorsqu'on vient lui rapporter que les Français s'enfuient, abandonnant le camp retranché. De fait des nuages de poussière s'élèvent à l'Est, dans la plaine au-dessus de la position tenue par les Français. On saura plus tard, qu'il s'agit du retrait des pages et des bagages inutiles au combat. Talbot se laisse prendre à ces apparences, il n'hésite pas et se précipite avec les troupes dont il dispose afin de mettre en déroute les Français.

 

Les récits dont nous disposons soulignent le calme exemplaire de ces dernières, alors que les anglais s'approchaient des fossés. Vers le centre du dispositif de défense, se trouvait une indentation profonde et étroite coupée d'une barrière avec une porte servant vraisemblablement d'entrée du camp. Arrivant jusqu'à la contre-­Scarpe du fossé, les anglais essaient de planter l'étendard de Talbot sur un pieu de la barrière. Les Français s'y opposent. Mêlée confuse ! Et l'étendard roule dans le fossé. L'artillerie des Français a eu tout le temps de se préparer. Alors 300 pièces tirent à la fois. Carnage effrayant. Les assaillants sont pressés les uns contre les autres, ils ne peuvent ni s'échapper, ni se dissimuler. Courageusement les survivants se regroupent mais de nouvelles décharges jettent la débandade dans le camp assaillant. Alors les Français ouvrent les barrières et poursuivent les Anglais. Dans la mêlée qui s'ensuit, Talbot, dont la «haquenée» avait été tué par un boulet, est précipité à terre et tué par quelque archer. Au bruit de la canonnade, les Bretons en réserve à Horable (moulin) précipitent la déroute des Anglais. Les survivants (4000 morts au moins restèrent sur le champ de bataille !) s'enfuient, les uns en franchissant la Dordogne (mais beaucoup se noient), les autres en refluant vers l'Ouest (certains atteignent Saint-Émilion) d'autres enfin en s'abritant dans la place de Castillon. Refuge de courte durée ! En effet, le 18 juillet, les Français avancèrent quelques pièces d'artillerie sous les murs de Castillon; ce fut suffisant pour obtenir la reddition de la ville. C'est au château de Pressac, à St-Étienne-de-Lisse que fut signée la reddition des Anglais. Le corps de Talbot avait été reconnu par son «héraut». Ses restes furent déposés provisoirement à Notre­-Dame-de-Colle (voir article "Monument de Talbot"), sur le champ de bataille puis transportés en Angleterre et inhumés à Witchurch. Talbot disparu, toutes les places tenues par les Anglais capitulèrent rapidement, Bordeaux se rendit sans effusion de sang.

 

La BaTaiLLe De CaStiLLoN

 

Peinture de la Bataille de Castillon par Larivière,

montrant le moment où le cheval de Talbot tombe.

Ce tableau comporte des erreurs:

le comte ne portait pas d'armure; son cheval était blanc.
(Ce tableau se trouve au château de Versailles, dans la galerie des Batailles).

CONSÉQUENCES - Cette bataille scella le retrait définitif des Anglais et contribua à asseoir l'autorité du Roi de France. Mais pour l'Aquitaine, les conséquences ne furent pas toutes bénéfiques. Plus question de chartes au contenu libéral, plus question de «consentir» l'impôt. Tout un ensemble de conquêtes sur la voie de l'autonomie est remis en question et ne sera récupéré que partiellement et longtemps après. Les Castillonnais perdirent leurs privilèges; péniblement, il fallut les reconstituer. Ce n'est qu'en 1474 que Jean de Foix Candale leur accorda une charte dont les dispositions furent confirmées et élargies par Gaston II en 1487. D'autre part, cette défaite des Anglais bouleversa l'économie de la région. Les courants économiques qui avaient assuré pendant 2 siècles la prospérité de l'Aquitaine furent modifiés. Des ventes de vin à l'Angleterre, sans cesser complètement vont se réduire dangereusement, car ses rares transactions sont assorties de droits élevés et de mesquines vexations. L'exil volontaire ou imposé va aussi éclaircir les rangs des notables. Cependant quelques années plus tard, les exilés volontaires seront bien accueillis à leur retour. Certains retrouvèrent même les terres autrefois abandonnées.

Dans le domaine militaire, cette victoire, fruit d'une conception stratégique nouvelle, met en valeur le rôle important et effrayant de l'artillerie, l'action percutante de la cavalerie quand elle est utilisée au moment opportun. Les chevauchées souvent désordonnées, les volées de flèches, les combats individuels débordant de courage, sont impuissants et incapables de mettre le camp français en danger. Toute une conception moyenâgeuse de la guerre s’écroule et montre son insuffisance devant les nouvelles techniques et les nouvelles armes de guerre.

 

CONCLUSION - A cet évènement important et dont l'histoire conservera le souvenir, les Castillonnais, paradoxalement, n'ont pas pris part ou si peu! A l'abri de leurs murailles ils ont pu suivre les chevauchées, entendre le fracas de la canonnade, presque comme des témoins assistant à un drame dont ils ne pressentaient pas les lointaines et multiples répercussions.

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Commentaires
A
Bonjour<br /> <br /> Quelque remarques sur la carte qui montre le champ de bataille ainsi que la description du camp fortifié français.<br /> <br /> - la route de Castillon à Bergerac : ce tracé est celui d'une route datant du XVIII°siècle, du style des grands chemins royaux. Il est à peu près certain que la route de Castillon à Sainte-Foy-la-Grande au XV°siècle était le chemin de halage qui suit la Dordogne et qui existe encore.<br /> <br /> - en 1453, la Lidoire et le Rieuvert (petit cours d'eau à l'est de celle-ci) avaient une embouchure commune<br /> <br /> - le camp fortifié français : en fait, ce tracé est celui de l'ancien lit de la Lidoire, lit qui a été reporté plus au nord par la création au début du XV°siècle d'un canal d'échappement du moulin qui existe encore en amont du site. Les français n'ont fait qu'utiliser un fossé naturel en le renforçant. N'oublions pas qu'ils arrivent seulement 3 jours avant la bataille : comment en si peu de temps auraient-ils pu creuser "un long fossé (1,600 km), de largeur (5 à 6 ml, de profondeur (4 m environ)" ?
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